Le statut de l’œuvre d’art a beaucoup changé en cent ans. Au XIXe siècle, le Salon était un véritable divertissement populaire qui attirait les foules. Celui de 1876, par exemple, qui n’est pas le moins fréquenté, avait accueilli 560 000 visiteurs. Un chiffre à rapprocher du succès de l’exposition « Edward Hopper » au Grand Palais (successeur du Palais de l’Industrie), en se souvenant que la population francilienne de l’époque était trois fois moindre. La comparaison s’arrête ici ; le public ne venait pas admirer les maîtres anciens, mais la création du moment : des milliers de tableaux accrochés bord à bord (7 200 œuvres en 1880 !). Certes l’offre culturelle était limitée ; certes le public venait surtout s’amuser des « images » que sont les scènes de genre et les grandes machines académiques, et apprécier le beau métier des peintres. Il n’empêche, il existait à l’époque un véritable intérêt pour ce que l’on appelle aujourd’hui l’« art contemporain ». La presse consacrait de longs feuilletons à l’événement et le prix du Salon alimentait toutes les conversations.
Aujourd’hui, les expositions d’art visuel sont en concurrence avec le cinéma, la télévision. Et malgré, ou à cause, de la multiplication des prix dont pourtant certains tel le prix Marcel Duchamp s’imposent parmi les professionnels, aucun ne suscite encore le même engouement que les médaillés des salons du XIXe. Le rapport du public à l’art est aussi très différent de ce qu’il était à l’époque. D’une certaine façon, le public du XIXe s’appropriait les œuvres avec familiarité comme celui d’aujourd’hui le fait avec le cinéma. Mais un glissement s’est opéré avec l’art qui est maintenant « monumentalisé », presque sacralisé. On le regarde et on le commente comme on le ferait pour des reliques, avec une distance respectueuse. Et comme toutes les reliques chargées de symboles, il n’échappe pas à des actes de vandalisme, ainsi que la « Liberté » de Delacroix en a été la victime au Louvre-Lens. Avec l’augmentation concomitante de la valeur économique de l’art, il est à craindre que le phénomène ne perdure encore longtemps
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« Monumentalisation »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : « Monumentalisation »