Même au temps de la globalisation, expositions, biennales et foires laissent constater, à travers les artistes présentés, des spécificités liées à des pays. Interrogeons-nous sur l’une des sources de ces originalités : l’éducation.
En quoi elle les favoriserait ou au contraire elle uniformiserait les pratiques. Le magazine Flash Art a interrogé les responsables de douze écoles des beaux-arts, des États-Unis à la Chine, en passant par l’Europe ou le Brésil, en leur demandant « de décrire leur vision de l’éducation artistique, particulièrement comment leur programme établit un équilibre entre connaissance et savoir-faire ». Ceux-ci rappellent, tout d’abord, à ceux qui seraient tentés d’établir à l’échelle d’un pays ou de l’Europe un système éducatif strictement normé qu’il n’existe pas de modèle. « La plupart des écoles d’art aux États-Unis reflètent immanquablement l’influence collective et l’histoire d’une université diverse et stratifiée. Il n’existe pas une seule voix fixant leur orientation » (Carol Becker, Columbia University, New York). Philippe Pirotte (Städelschule, Francfort) relève qu’à l’intérieur de son École coexistent plusieurs visions « souvent contradictoires, incarnées par un groupe d’individus très convaincants ».
« Les professeurs développent leurs stratégies propres d’éducation artistiques librement dans leurs classes ». Pour les établissements occidentaux, le credo est à l’interdisciplinarité. « Nous envisageons les beaux-arts comme un sujet accessible à une collaboration avec d’autres champs et disciplines, c’est un sujet qui célèbre le déploiement de diverses méthodes de recherche et production qui sont inventées, empruntées et même volées » (Juan Cruz, Royal College of Arts). Toutefois, « cela ne veut pas dire que tous les étudiants ont besoin de travailler en travers des disciplines. Mais les artistes doivent avoir l’expérience d’une telle fluidité, observer comment les autres construisent et conceptualisent le champ des possibilités disponibles » (Carol Becker). Dans cette relation entre connaissance et savoir-faire, l’enseignement théorique est central. « L’art donne une matérialité aux idées. Les étudiants ont besoin de fondements théoriques solides pour leur donner confiance de se relier aux penseurs de leur temps, qui par inadvertance inspireront leur travail » (Carol Becker). Mais il s’agit de trouver un équilibre juste, car s’il n’est pas atteint « il peut être immobilisant ». Et Robert Storr (Yale University, New Haven) invite à se méfier de toute école basée sur l’idée que le faire vient après le penser : « making is thinking » !
À Pékin, Xu Bing (Académie centrale des beaux-arts) tient un autre discours. Il considère que l’éducation occidentale ne se concentre plus sur l’apprentissage des techniques. « L’éducation veut dire, à la place, étudier l’histoire de la création artistique, faire quelque chose de différent et ensuite apprendre comment expliquer cet acte créatif. Cela a conduit les étudiants à accorder plus d’importance à expliquer leur travail et à être moins responsable du travail lui-même ». Il défend toujours les principes maoïstes et rappelle l’influence du réalisme soviétique depuis 1949. « L’éducation artistique doit apprendre à l’étudiant à prendre en charge son individualité et à établir une relation avec le genre de création dont la société a besoin », affirme-t-il tout en reconnaissant que le « développement d’une civilisation exige qu’un groupe d’individus fasse des choses “hors de la norme” ». Sans le dire, il rappelle que c’est aussi à l’artiste d’avoir la force qui lui permettra de s’émanciper de l’éducation reçue et d’affirmer sa singularité.
Flash Art, n° 297, Juillet-Août-Septembre
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« Making is thinking » : ce que font des écoles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°418 du 5 septembre 2014, avec le titre suivant : « Making is thinking » : ce que font des écoles