Le XIXe siècle fut exceptionnel dans l’histoire de l’architecture théâtrale française, car il vit naître deux salles spécialement conçues pour accueillir l’Académie de musique. Le Palais Garnier, depuis 1875 l’un des plus beaux symboles de Paris, et son prédécesseur, l’Opéra de la rue Le Peletier, qui est pour sa part quasiment inconnu du grand public.
L’objectif de cette thèse est triple : livrer une biographie de François Debret, obscur architecte de la salle Le Peletier, retracer précisément la genèse de cet Opéra et étudier le programme architectural de l’édifice.
François Debret (1770-1850) possède le parcours classique d’un architecte de l’époque : élève de Percier et Fontaine, il entra à l’École des beaux-arts en 1793, voyagea en Italie et réalisa ses premiers travaux sous l’égide de ses maîtres. En 1813, il devint un architecte de premier plan en se voyant confier la restauration de la basilique royale de Saint-Denis. Ses contacts haut placés, sa formation académique, et sa connaissance de l’architecture théâtrale décidèrent les autorités à le nommer architecte de l’Académie royale de musique en juillet 1820. En dépit des difficultés, il réussit à livrer au roi Louis XVIII les clés de l’Opéra Le Peletier un an après le début des travaux et fut confirmé comme architecte de l’Opéra jusqu’à sa retraite en 1846. La construction de l’Opéra Le Peletier servit d’accélérateur à sa carrière. Chevalier de la Légion d’honneur en 1825, puis membre de l’Institut et professeur à l’École des beaux-arts, il resta architecte de la basilique Saint-Denis jusqu’en 1845 et reçut de nombreuses commandes privées.
L’Opéra Le Peletier est né d’un meurtre, celui du duc de Berry, poignardé le 13 février 1820 à la sortie du théâtre des Arts, rue de Richelieu. La salle, construite en 1794, fut condamnée à la destruction. L’ordonnance royale du 9 août 1820, fondatrice de l’Opéra Le Peletier, tenta de limiter cette dépense inattendue en décidant de bâtir un Opéra provisoire à partir d’éléments récupérés sur l’ancienne salle. On décida de construire le théâtre sur les jardins de l’hôtel de Choiseul et de réaménager l’hôtel pour accueillir les loges et les quartiers de l’administration. L’Opéra était le seul théâtre de Paris à rassembler toutes ces composantes. Malgré les efforts d’économie, le chantier de l’Opéra coûta trois fois plus cher que les 900 000 francs prévus par l’ordonnance royale de 1820. Les aléas du chantier portèrent son coût total à près de 2 380 000 francs.
L’Opéra de la rue Le Peletier fut à la fois un changement important pour l’urbanisme de Paris et pour la typologie théâtrale. L’installation de l’Opéra dans un faubourg, alliée au développement des grands boulevards créa une forte dynamique dans le nord de la capitale. Debret s’inspira de la basilique de Licence pour créer une façade inédite, qui ne convainquit pas. L’architecte soigna les lieux destinés au confort du public et à sa circulation. Le foyer, doté de toutes les commodités modernes, était le plus important et le plus luxueux de tous les théâtres parisiens. Orgueil de l’Opéra, la salle de près de 2 000 places n’était pas une simple reconstruction de celle de la rue de Richelieu. Debret l’adapta avec intelligence pour améliorer son acoustique. La location d’espaces annexes et de services internes se développa à partir des années 1830. Le foyer de la danse devint le lieu mondain par excellence. Enfin, le théâtre de l’Opéra Le Peletier était le plus performant de Paris. Ses vastes dimensions et sa machinerie impressionnante permettaient de répondre aux besoins accrus des mises en scènes romantiques. L’Opéra fut détruit par un incendie en 1873. Il ressort de cette salle, jusqu’alors négligée par l’historiographie, un fort mélange de précarité et de luxe. De statut provisoire et d’une construction légère, elle laissa l’idée d’une salle de peu de valeur. Mais par sa qualité acoustique et grâce au renouveau musical et chorégraphique du temps, elle s’attira les compliments de tous ceux qui l’avaient fréquentée. La nature même de sa construction, mélange hybride de deux bâtiments préexistants, est originale. Son aspect palladien qui avait tant déplu en 1821 fut réemployé pour de nombreux théâtres parisiens, et l’ordonnance de sa salle devint l’archétype du théâtre français du XIXe siècle. Il fallut un attentat contre Napoléon III se rendant à l’Opéra le 14 janvier 1858 pour que le concours gagné par Charles Garnier fût lancé, et l’Opéra Le Peletier peu à peu oublié.
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L’Opéra de la rue Le Peletier (1821-1873)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : L’Opéra de la rue Le Peletier (1821-1873)