Les biographies d’artistes ont le grand mérite d’éclairer une œuvre avec la personnalité de l’homme. L’exercice est d’autant plus salutaire quand l’artiste en question est Marcel Duchamp, la figure tutélaire de l’art contemporain pour utiliser le sabir des critiques.
Judith Housez, la jeune auteur de la remarquable biographie qui vient de sortir chez Grasset, met en évidence les traits d’un personnage complexe. Séducteur, ce « taiseux normand » qui collectionnait les femmes savait aussi charmer les journalistes. Taciturne, paresseux, nonchalant, c’était un grand calculateur, en champion d’échecs qu’il était. Le grand public n’a qu’une vague idée de ce que Duchamp a bien pu faire après l’Urinoir à New York en 1917. En fait il assurait le SAV et exerçait un « contrôle notarial sur son possible héritage artistique ».
En quoi cette biographie influe-t-elle sur la compréhension des ready-made ? Elle ne remet évidemment pas en cause la puissance révolutionnaire du concept. C’est grâce à Duchamp que l’objet manufacturé est entré dans le champ de l’art, ouvrant la voie au Pop Art, aux Nouveaux Réalistes et à l’art conceptuel. En revanche, on s’interroge sur le vecteur. Est-ce le concept en lui-même ou plutôt la renommée de Duchamp qui a fait entrer une roue de bicyclette ou un égouttoir à bouteilles dans les musées ? C’est parce que Duchamp avait acquis la célébrité avec Nu descendant l’escalier à l’Armory Show en 1913, et qu’il incarnait la modernité artistique en Amérique, que ses ready-made ont été (bien plus tard) considérés.
Le grand Marcel n’a eu de cesse par la suite de commercialiser des rééditions. Les Boîte-en-valise à partir de 1935, puis celles du galeriste Arturo Schwarz ou encore trois cents Bouche-évier vendus 100 000 €. Au fond, on est en présence du phénomène très actuel du fétichisme qui s’attache aux objets de star. Accessoirement – encore que – l’ouvrage rend indirectement hommage aux divers mécènes qui ont soutenu Duchamp.
Notamment Arensberg qui l’aurait aidé à forger son concept et à rassembler ses œuvres pour en faire don au musée de Philadelphie.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les reliques de tonton Marcel
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°588 du 1 février 2007, avec le titre suivant : Les reliques de tonton Marcel