Chaque mois, Élisabeth Couturier présente un objet cher à un artiste. Ce mois-ci...
Fétiche - Peu de gens le savent, mais Laurent Goumarre qui produit et présente sur France Inter l’émission quotidienne Le Nouveau Rendez-vous, et a créé et animé le magazine culturel Entrée libre sur France 5, poursuit, depuis une vingtaine d’années, une discrète mais intense carrière d’artiste plasticien. La Galerie Alain Gutharc montrait régulièrement son travail photographique dans des accrochages collectifs, elle lui consacre aujourd’hui une exposition personnelle. L’intéressé déclare : « Mon objet fétiche est un tableau pornographique : Suzanne et les Vieillards. J’en ai toujours une reproduction avec moi. Avant d’être un thème biblique, j’y vois une œuvre pornographique et c’est bien cette tension sexuelle qui est à l’origine de ma fascination pour l’art. Tout passe par le regard des vieillards, leur irrépressible désir sexuel forcément transgressif. Pas de métaphore. Pas de discours. Je refuse ce qui est caché, sublimé ou transposé. Dans cette peinture, en particulier dans la version de Gerrit Van Honthorst que l’on peut voir à Rome, l’artiste va droit au but, évoque sans tricherie un coït possible. Et Marcel Duchamp faisait de même avec Étant donnés… Quand il propose au spectateur de regarder, à travers un œilleton, l’entrejambe d’une jeune femme nue, il pointe du doigt le voyeurisme en jeu dans notre relation à l’art. Courbet aussi avec L’Origine du monde ou encore Jeff Koons avec sa série Made in Heaven que j’adore. Des œuvres qui dépassent la notion du beau et du laid. Et c’est cet espace de vérité que je cherche à capter à travers mon travail. »
Étranges clichés, en effet, que ceux actuellement montrés : des paysages sans qualité, des intérieurs surannés, des bouquets fanés, des personnages aux postures maladroites, comme dépassés par l’émotion qu’ils provoquent chez l’autre. Des cadrages décalés, une lumière crue, des horizons courts. Une forte attractivité : « Je m’applique à imposer, de manière à ce que l’on ne puisse pas l’éviter, ce que l’on ne veut pas voir. Je viens de la classe moyenne et je ne peux pas en faire l’économie. Cela correspond à une esthétique qui ne rentre pas dans les clous. » En contrepoint, des dessins composés avec des paillettes. Réalité frontale et représentations naïves, un cocktail explosif qui court-circuite le discours d’initiés. L’artiste précise : « Je suis un autodidacte en art. Ma formation visuelle a commencé quand je suis arrivé à Paris. Je passais alors une grande partie de mon temps à visiter les musées et surtout les galeries d’art, en particulier celle de Jean Fournier avec qui je discutais beaucoup. Petit à petit, je me suis mis à créer de mon côté. En 1998, j’ai eu la chance d’être sélectionné au Salon de Montrouge. À l’époque, j’agrandissais des photos trouvées que j’accompagnais de textes composés à l’aide de mots trouvés dans un même article de journal. Je tricotais ainsi de faux récits autobiographiques. »
Pour revenir sur sa fascination pour les images pornographiques, Goumarre évoque une scène primitive. Celle où, enfant, lors d’un pique-nique familial en forêt, il est tombé par hasard sur un numéro du magasine Playboy. En le feuilletant, il a éprouvé une excitation jamais ressentie : « Le plus étonnant est que j’ai connu la même fascination, quelque temps plus tard, en parcourant fébrilement un livre d’art Les Merveilles du Louvre. L’Enlèvement des Sabines de Poussin et celui de David me faisaient le même effet ! » Des images d’une grande violence sexuelle, selon lui, qu’il n’a cessé de rechercher. Collectionne-t-il ? « Absolument et depuis longtemps. J’achète beaucoup d’œuvres que je paie en plusieurs fois. Avec toujours l’envie de retrouver cette tension sexuelle dont je parlais. »
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Les images "pornographiques" de Laurent Goumarre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Les images "pornographiques" de Laurent Goumarre