Une idée communément admise voudrait que le marché de l’art destiné aux particuliers ne fût mis en place qu’à la fin du xixe. En l’espèce, la production de Philippe de Champaigne pourrait faire croire que tous les peintres, à l’instar du peintre ordinaire de la reine mère, ne travaillaient que pour l’État, la Cour ou l’Église dont les cassettes personnelles étaient alimentées par la taille et les fermiers généraux. C’est ignorer l’existence de tout le commerce d’images religieuses, de scènes intimes, de portraits, entretenu depuis le xvie siècle par les merciers dans leurs échoppes achalandées par de simples bourgeois. Qu’on se rappelle la boutique du marchand Gersaint dont Watteau réalisa la fameuse enseigne.
Au fond, la nouveauté apportée par Durand-Ruel et ses confrères réside dans l’emploi de moyens toujours en cours chez les galeristes d’aujourd’hui : expositions monographiques, promotion, contrat avec les artistes. Mais la vente aux particuliers, même si elle a pris un tour nettement spéculatif depuis les impressionnistes, existait depuis longtemps déjà.
Il serait tout aussi faux de croire que l’art contemporain ait coupé aujourd’hui toutes ses attaches avec l’argent public. L’achat public à travers le Fnac, les Frac ou les musées représente entre 10 et 15 % des achats d’art contemporain en France. C’est faible par rapport aux achats des collectionneurs privés, mais ce n’est pas rien. Surtout pour des jeunes artistes. À cela s’ajoutent les commandes publiques, peintures murales dans les grands lieux ou sculptures en extérieur. Ce n’est pas tant l’aspect financier qui intéresse ici les artistes que le prestige que confère une commande publique.
Et c’est d’ailleurs là que se situe l’apport essentiel du pouvoir auprès des artistes. En ouvrant les cimaises des musées ou centres d’art aux artistes actuels, l’État et les collectivités locales qui subventionnent ces institutions légitiment en quelque sorte les créateurs, leur accordent une forme d’onction qui augmente d’autant la notoriété et donc la cote des bénéficiaires. Les républiques peuvent bien changer de millésime, elles conserveront toujours l’héritage de l’Ancien Régime dans leurs rapports avec les artistes.
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Les artistes et l'argent public
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Les artistes et l'argent public