%26Agrave; plus, black, bonne continuation, challenge, grave%26hellip; Ce sont l%26agrave; quelques-uns des 99 mots flous, vagues, creux ou inappropri%26eacute;s recens%26eacute;s par le grammairien Jean-Loup Chiflet dans un petit livre et qu%26rsquo;il veut foutre %26agrave; la poubelle. Un livre que l%26rsquo;on qualifierait volontiers de jubilatoire, si ce mot ne figurait aussi dans cette liste. Un mot que l%26rsquo;on retrouve pareillement sous la plume des critiques d%26rsquo;art, %26eacute;moignant de cette exag%26eacute;ration %26eacute;n%26eacute;rale qui s%26rsquo;est empar%26eacute;e de notre vocabulaire.
Il y a bien d’autres expressions qui hantent l’écriture des exégètes de la création, surtout contemporaine. On passera sur la figure tutélaire de Duchamp qui ne cesse de projeter son ombre ou le célébrissime icône, employé avec le même sens de la mesure que star. Improbable a fait son apparition il y a quelque temps, le plus souvent pour caractériser une œuvre étonnante et usité en contradiction avec le sens premier du mot (invraisemblable). Il est sérieusement concurrencé, en nombre de citations, par l’articulation du parcours de l’exposition, là aussi avec un léger faux sens, puisque c’est l’idée de découpage que l’on veut en général exprimer et non pas de jointure. Arrêtons-nous un instant sur convoquer. On ne sait pourquoi, ce mot très administratif et, pour tout dire, un peu inquiétant s’est très rapidement imposé à la place de faire appel à ou influencé par. Il sonne froid là où tour à tour, un autre nominé (aïe !) dans notre hit-parade, a un côté plus festif (aïe !), plus chaleureux. Tour à tour résonne bien.
Résonance, justement, ouvre une catégorie bien particulière du vocabulaire de la critique d’art : celle des mots-valises, un peu vagues, qui permettent de mettre en rapport deux idées, sans lien entre elles, évitant à l’auteur de trop préciser sa pensée. Ainsi, telle œuvre entre en résonance avec une autre, ou avec le contexte dans lequel elle est exposée ou avec tout autre fait ou concept à mille lieues de l’œuvre elle-même. Au lecteur de se débrouiller. Pour éviter les répétitions, on emploiera également écho. Le savoureux dialogue entre les œuvres est une variante de cette mise en relation entre deux choses qui n’ont généralement pas demandé à l’être. Il prend un tour amusant quand c’est Picasso qui dialogue avec Velázquez, qui connaissait Picasso comme chacun le sait.
Avez-vous remarqué combien nos artistes d’aujourd’hui questionnent tel phénomène sociologique, interrogent le statut de l’œuvre d’art ou établissent un rapport entre leur travail et une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et Charles Quint, au choix.
On pourrait encore allonger cette liste et j’invite tous nos lecteurs à me communiquer les tics de langage relevés dans L’œil, voire dans ses éditoriaux. Il est pourtant une formule que vous allez entendre et lire des milliers de fois ces jours-ci, mais que j’énonce de bon cœur : « Excellente année 2010 ! »
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Le patois de la critique d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Le patois de la critique d’art