Versailles est-il approprié pour exposer Jeff Koons ? La multiplication des expositions d’art contemporain dans des musées d’art ancien invite à se poser la question tant le phénomène est en passe de prendre de l’ampleur. Précisons que le problème concerne moins les créations in situ mises en correspondance avec des œuvres d’Orsay ou du Louvre, que des pièces récentes disposées dans un ensemble anachronique. Par exemple un homard géant, suspendu tel un lustre dans le salon de Mars. Le propos ne vise pas à remettre en cause le principe qui préside à cette idée : mettre le grand public en contact avec l’art contemporain. Toute initiative permettant d’acclimater les amateurs d’art, dont les visiteurs des musées, à la création nouvelle est bienvenue quand on sait combien l’art d’aujourd’hui peut être désarçonnant.
Or c’est justement là que le bât blesse. Depuis cinquante ans, le concept d’exposition du White Cube s’est tellement imposé qu’on a du mal à regarder les œuvres autrement qu’isolées et sur un mur blanc. Koons à Versailles, c’est un peu comme regarder des statues grecques polychromes… Ce qu’elles étaient pourtant au temps de Praxitèle. La surcharge décorative, criante dans les grands appartements de Versailles, cannibalise l’œuvre contemporaine, lui ôte une partie de son magnétisme, de son pouvoir d’attraction.
Plus gênant encore, le mélange des genres invite à une comparaison formelle entre des pièces d’époques différentes. Si de ce point de vue là, Koons s’en sort plutôt bien en raison de l’immédiateté et de la lisibilité de ses créations – tout le monde reconnaît Michael Jackson ou des aspirateurs –, ce n’est pas gagné pour les œuvres conceptuelles. On sait qu’une partie de la création actuelle relègue au second plan la forme plastique des œuvres au profit du concept. Et que plus que les autres, ces œuvres invitent le regardeur à réfléchir, à s’interroger. Déroutant par nature, cet art là a une petite chance de titiller le cerveau du public quand il est exposé dans une salle blanche et vide, mais risque de passer à côté de son objet quand il est disposé dans une chambre Louis XVI. Le dépouillement ou plus souvent l’incongruité de la plastique de ces œuvres, mises sur le même plan qu’une commode Boule ou un portrait princier, provoque plus facilement un rejet auprès d’un public peu familier.
Et pourtant une greffe du même genre est sur le point de fleurir : la Fiac au Grand Palais. Le chef-d’œuvre de l’architecture historiciste 1900, accueille une foire de plus en plus tournée vers l’ultra contemporain. Et ce grand écart est encore plus perceptible dans la Cour Carrée du Louvre. Mais il s’agit là d’un public averti ou de collectionneurs.
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La vie de château de l’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : La vie de château de l’art contemporain