Une poignée de députés de la commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté, le 1er juin, un amendement surprise visant à assujettir les œuvres d’art à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). C’est irresponsable, hypocrite et démagogique. Irresponsable parce que tout le monde sait, à commencer par Laurent Fabius en 1981 et Lionel Jospin en 1998 qui s’y sont tous deux opposés, que cela affecterait durablement le marché de l’art et encouragerait la délocalisation des collections. Et puis qui irait contrôler la valeur des tableaux ou mobiliers des particuliers ? Paranoïa assurée. Hypocrite, parce que ces députés savent bien que l’amendement ne passera pas la discussion devant les deux assemblées. Démagogique, car cela flatte ceux de nos concitoyens qui pensent que l’art est un luxe. On voit bien d’ailleurs que la mise en lumière récente par les médias de l’origine de la fortune d’Anne Sinclair n’est pas étrangère à cet amendement. C’est indirectement faire croire à l’opinion que toute la filière « artiste-marchand-collectionneur » est aussi fortunée que François Pinault. Or, à part quelques acteurs internationaux, les milliers d’artistes, de galeries, d’antiquaires ou de commissaires-priseurs sont loin de rouler sur l’or. L’économie du cinéma ou du football est autrement plus lucrative.
Vouloir augmenter les recettes de l’État pour redistribuer l’argent public là où il est utile n’a rien d’illégitime. Mais, en la matière, le pragmatisme s’impose. Plutôt que de prélever une part plus importante du gâteau, il est toujours plus intelligent d’augmenter le gâteau lui-même. Un marché de l’art plus actif, c’est plus d’artistes qui peuvent vivre de leur art, plus d’emplois dans le secteur marchand, plus de transactions et donc indirectement plus de recettes pour l’État. La France est le pays au monde qui dispose du plus grand nombre d’atouts : histoire, enseignement, musée, marchandise… Ces élus feraient mieux de réfléchir à la façon de libérer nos énergies.
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Démagogie fiscale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Démagogie fiscale