Chine : un El Dorado qui s’éloigne ?

L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 591 mots

Alors que l’on évoque dans la presse les milliards d’euros de contrats qu’a suscités le voyage présidentiel en Chine et l’ouverture des festivités de « L’année de la France en Chine », un article publié par Christopher Hawthorne le 21 septembre dans l’International Herald Tribune jette une lumière plus subtile sur les enjeux et les attentes des Chinois quant aux échanges avec l’Occident.
De nombreux projets architecturaux, plus novateurs et ambitieux les uns que les autres, avaient été commandés par la Chine, à l’occasion des jeux Olympiques de 2008, aux architectes occidentaux (ou travaillant en Occident) les plus en vue : un stade olympique à Herzog & de Meuron, un théâtre national à Paul Andreu, le siège social de la télévision chinoise à Rem Koolhaas et Ole Scheeren d’OMA, un opéra pour la ville de Guangzhou à Zaha Hadid… Tous projets remarquables par leur qualité de manifeste esthétique, leur coût élevé et leur dimension quasi prométhéenne, bien éloignés du « bon sens » et du pragmatisme d’une architecture du quotidien d’où toute symbolique serait exclue.
Est-ce le tragique effondrement, en mai dernier, de l’aéroport international de Roissy conçu par Paul Andreu ? Est-ce la montée au créneau d’architectes chinois ne comprenant pas pourquoi l’on privilégiait les projets étrangers sur ceux des architectes du cru ? Est-ce une question de coûts ? Est-ce la destruction annoncée d’habitats traditionnels et séculaires ? Il semble, en tout cas, que la plupart de ces projets spectaculaires et budgétivores – à l’exception de ceux qui sont d’ores et déjà trop avancés pour être stoppés, comme le théâtre national de Paul Andreu – soient contestés et revus à la baisse. Cet été, les travaux préliminaires à la mise en œuvre du projet de Rem Koolhaas pour le siège social de la télévision chinoise ont été à nouveau reportés, et, en août, le gouvernement a fait savoir qu’il arrêtait la construction du stade olympique conçu par Herzog & de Meuron de façon à en revoir les coûts notablement à la baisse.
Des équipes d’architectes chinois se manifestent, soucieux de reprendre la main, les journaux se font l’écho de polémiques sur le bien-fondé de telles dépenses, de surcroît affectées à des projets venus de l’étranger… Il semble pourtant que ce ne soit pas l’aspect « avant-gardiste » et parfois
extravagant des projets que les Chinois contestent, mais que leurs interrogations soient l’effet d’une lecture pragmatique, « raisonnable » de la ville. Et pourquoi pas ? Mais le malentendu demeure.
Une remarquable exposition, présentée jusqu’au début décembre à Londres au Victoria & Albert Museum et conçue par Anna Jackson et Amin Jaffe, présente un panorama des relations qu’ont entretenues l’Europe et l’Asie de la fin du xve siècle au début du xixe. On y voit des œuvres et des objets témoignant des échanges, des rencontres, des influences et des découvertes réciproques entre ces mondes. On y découvre, nous dit Olivier Gabet notre émissaire sur place, des divergences radicales entre les conceptions européenne et chinoise, et on y apprend au passage les « troubles causés à la cour des Qing par l’uniformité des présents reçus des différentes nations occidentales. Venus de Paris ou d’Amsterdam, les instruments scientifiques sont tous les mêmes. Comment différencier alors les nations dont ils accueillent les ambassadeurs et les commerçants ? Pire encore, les Européens prennent très vite l’habitude d’apporter animaux exotiques et produits indiens aux Chinois, qui se font dès lors une idée très brouillée de l’identité anglaise par exemple… »
Finalement, vus de Chine, à quoi correspondent les projets de Koolhaas, d’Andreu, de Hadid ?

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Chine : un El Dorado qui s’éloigne ?

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