C’est donc un homme qui prend la tête du Musée du Louvre. Jean-Luc Martinez, ancien directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée, a été nommé par l’Élysée président-directeur de l’établissement public. À défaut d’avoir été suivie dans sa recommandation, Aurélie Filippetti s’est réjouie de cette nomination qui « récompense l’ascension républicaine par le mérite ». Pourtant, et c’est un secret de Polichinelle, la ministre de la Culture avait clairement exprimé sa préférence pour la candidature de Sylvie Ramond, actuelle directrice du Musée des beaux-arts de Lyon. On connaît l’attachement de la ministre à féminiser les grandes institutions culturelles du pays, non sans raison d’ailleurs, mais celui-ci ne doit pas constituer le moteur de sa politique culturelle. Faut-il voir dans le choix de Jean-Luc Martinez un désaveu du président François Hollande à sa ministre ? Probablement oui, même si les proches collaborateurs des deux camps s’en défendent, qui rappellent que la désignation du directeur de département du Louvre n’est pas un choix par défaut : fin scientifique, conservateur de premier plan, Jean-Luc Martinez s’est fortement impliqué dans l’ouverture (et le succès) du Louvre-Lens. Certes, mais en faisant le choix du sérail, l’Élysée a fait aussi celui de la prudence, voire du consensus. N’y avait-il pas un enjeu bien plus important derrière cette nomination ? Celui de la reconnaissance du travail des directrices et des directeurs des musées en régions ? Si « l’ascension républicaine » a bel et bien fonctionné, l’ascenseur province-Paris s’est une nouvelle fois grippé, remettant en cause tout un système. Alors qu’un nouveau projet de loi de décentralisation est à l’étude par le gouvernement, cette panne est du plus mauvais effet…
Mais c’est une femme qui crée actuellement l’événement, cette fois loin de Paris, à Venise : Victorine Meurent, modèle de Manet durant près de treize ans, qui lui a notamment prêté ses traits pour la fameuse Olympia (1863). Reprenant le tableau en affichage, les Vénitiens ont placardé dans toute la ville ce « Save the date » : « Manet. Ritorno a Venezia » (« Manet. Retour à Venise »), pour annoncer l’exposition du peintre au palais des Doges à partir du 24 avril. Ce « ritorno » vaut bien sûr pour Édouard Manet, qui fit son premier voyage dans la Cité des Doges en 1853, non pour l’Olympia qui, depuis sa donation à la France en 1890 après une souscription lancée par Claude Monet, n’a jamais quitté Paris. Tout juste a-t-elle été prêtée deux fois au Grand Palais, pour la rétrospective Manet en 1983 et pour « Picasso et les maîtres » en 2008. Le président d’Orsay a accepté ce prêt exceptionnel en raison d’un autre prêt consenti aux Vénitiens par la Galerie des Offices, tout aussi incroyable : la Vénus d’Urbin (1538) de Titien qui, elle non plus, ne quitte jamais Florence. « C’est une obsession de tout historien d’art de réunir ces deux chefs-d’œuvre, dont l’un a servi de modèle à l’autre », a déclaré Guy Cogeval à l’AFP. Mais, à prêt exceptionnel, mesure exceptionnelle, puisque ce dernier a demandé, « officiellement et pour la première fois », au président de la République l’autorisation de prêter l’Olympia, « qui appartient au patrimoine de la France ». La demande est bien entendu symbolique, même si elle a sans doute facilité le prêt de la Vénus d’Urbin tout en donnant un joli coup de projecteur sur Orsay… et sur son chef-d’œuvre ! Car, par cette démarche, Olympia gagne un peu plus d’aura. On se souvient que La Joconde doit aussi son statut d’icône universelle à son historiographie, à son vol, comme à ses prêts aux États-Unis (1963) et au Japon (1974). L’Olympia est-elle la future Joconde du Musée d’Orsay ? Elle en prend en tout cas le chemin…
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C’est donc un homme... Mais c’est une femme...
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°657 du 1 mai 2013, avec le titre suivant : C’est donc un homme... Mais c’est une femme...