L’affaire des deux bronzes chinois de la vente Saint Laurent-Bergé n’en est qu’à son début car elle pose deux problèmes : celui de la pertinence des conventions internationales relatives à la restitution des biens culturels et celui du réalisme dans les relations internationales.
Christie’s et Pierre Bergé ont le droit pour eux. La convention de L’Unesco de 1970 et celle appelée Unidroit de 1995 (non ratifiée par la France) qui permettent à un État de récupérer des objets d’arts sortis illégalement ne sont pas rétroactives. Et les têtes de rat et de lapin ont été pillés par les français et les anglais lors du sac du Palais d’été en 1860. Si ces conventions permettent de lutter contre les trafics actuels, elles sont inapplicables aux sorties illicites du passé. De ce point de vue, personne n’y trouve réellement son compte, ni les États qui s’estiment dépossédés de leurs biens, ni les collectionneurs et antiquaires occidentaux qui doivent prouver que ces biens sont sortis de leur pays d’origine avant la ratification des conventions.
Et c’est bien parce qu’elle ne peut dénier le droit international que la Chine s’est placée sur le terrain de l’intimidation et du rapport de force. Elle a tenté d’acheter les bronzes à bas prix avant la vente, en montrant ses muscles (lire L’œil de décembre), mais a laissé, selon le procureur, une association « qui ne représente qu’elle-même » poursuivre en justice, en vain, Christie’s. En outre elle prend bien soin de se désolidariser de l’acheteur insolvable, tout en annonçant un renforcement du contrôle des activités de la maison de vente sur son territoire.
Fallait-il pour autant ajouter au refus de transiger la provocation sur les droits de l’homme au Tibet, comme l’a fait Pierre Bergé, même si celle-ci est tout à fait légitime ? Passé le quart d’heure de bravache qui a rendu le collectionneur sympathique à tous, il va bien falloir composer avec les représailles économiques, dont la Chine menace Christie’s (qui appartient au Français François Pinault) et la France. Dans un monde où prime le commerce, il se trouve toujours une autre maison de vente ou un autre pays pour récupérer les commandes de la Chine. Il y a donc fort à parier que l’on va de nouveau envoyer Jean Pierre Raffarin à Canossa et discréditer encore une fois la France après l’épisode des Jeux Olympiques.
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Casse-tête franco-chinois
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Casse-tête franco-chinois