Les expositions peuvent être parfois lourdement pédagogiques (pour « Paris-Barcelone », quel besoin avaient les commissaires d’exposer sur une même cimaise des Puvis de Chavanne de 1870 auprès de tableaux d’artistes du Noucentisme exécutés cinquante ans plus tard ?), scolaires (« Dubuffet » à Beaubourg), destructrices (« Böcklin » au Musée d’Orsay), à côté de la plaque (« Albert Gleizes » au Musée des Beaux-Arts de Lyon)... Certaines sont pertinentes (« Figures de la Passion » au Musée de la Musique), dans l’air du temps (« Morandi » au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris répond si bien aux attentes du public en ces moments d’incertitude que nous traversons) ou annonciatrices (« La révolution surréaliste » conçue par Werner Spiess en février prochain à Beaubourg anticipe un besoin de poésie que l’on voit poindre en ce début de XXIe siècle).
D’autres sont totalement inutiles, n’apportent rien de nouveau. Ainsi l’exposition « Raphaël. Grâce et beauté » montée au Palais du Luxembourg par la nouvelle équipe mise en place par le Sénat. Passe encore pour leur première expérience, les tableaux du docteur Rau, belle collection d’un amateur bien conseillé mais présentée ici comme une histoire mondiale de l’art, le record étant la peinture anglaise du XVe au XIXe siècle résumée en trois œuvres. Mais pour Raphaël, de qui se moque-t-on ? En fait, des huit tableaux exposés, seuls les portraits de la Fornarina et de Balthazar Castiglione prêté par le Louvre méritent vraiment le détour. Les dessins sont très beaux mais pas assez nombreux pour étayer une quelconque thématique. Où est donc passé le projet de montrer Raphaël et le maniérisme ? Où sont donc les analyses des formes serpentines ou du contraposto, promises avant l’ouverture de l’exposition ? Sans parler de la dernière salle, qui fait office de remplissage avec ses reproductions couleur des fresques de la Villa Farnesina, accrochées en haut des murs ou sur le plafond comme-si-vous-y-étiez. Côté grotesque, on atteint ici des sommets. Alors pourquoi vouloir monter une exposition Raphaël quand on n’en a pas les moyens, quand on n’a pas la monnaie d’échange permettant d’emprunter les meilleures pièces des institutions internationales ? Au Grand Palais et au Louvre, Jean-Pierre Cuzin avait proposé en 1984 une remarquable rétrospective accompagnée de deux catalogues faisant le tour de la question. Fallait-il reprendre ce sujet en sachant que les plus beaux tableaux ne pouvaient pas venir et faire, comme à Rotterdam en septembre avec Jérôme Bosch, une rétrospective sans les chefs-d’œuvre du peintre ? Alors, chers organisateurs, pitié. Laissez au Prado le soin de monter l’exposition Bosch autour de la Charrette de Foin et du Jardin des Délices, polyptyques qui ne peuvent pas voyager. Laissez à Rome la possibilité de confronter fresques, dessins et tableaux de chevalet du divin Raphaël. Ne tentez pas l’impossible et réfléchissez à la pertinence de vos projets. Pour le plus grand bien du public et de tous les amateurs.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Cachez ce sein que je ne saurais voir
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : Cachez ce sein que je ne saurais voir