Le paradoxe serait amusant si les enjeux n’étaient pas si considérables. D’un côté, une poignée de députés militent pour une licence forfaitaire globale de téléchargement sur Internet, autant dire un déni du droit de propriété des créateurs compte tenu du montant évoqué de la licence. De l’autre, ainsi que le rappelle Emmanuel Pierrat dans son dernier ouvrage, une extension généralisée du copyright, qui gagnerait même les expressions des cultures populaires.
En écho, la revue Sciences Humaines rapporte aussi dans son numéro de mars l’histoire de ces Aborigènes d’Australie qui entendent se faire attribuer la propriété intellectuelle sur des symboles traditionnels.
Ou encore celle de descendants d’Indiens Pueblo dans le Nouveau-Mexique qui revendiquent la propriété du motif, un soleil stylisé, adopté par cet État américain.
Il est évidemment entièrement légitime que la paternité des expressions culturelles appartienne à leur communauté d’origine. Les santons de Provence aux Provençaux, les coiffes bretonnes aux Bretons et les masques africains dan à l’ethnie Dan en Côte d’Ivoire. Mais leur accorder des droits patrimoniaux aurait des conséquences infinies et inextricables.
Parmi les multiples influences du primitif dans l’art moderne et contemporain, prenons le cubisme et le tableau fondateur que sont Les demoiselles d’Avignon doublement marqué par Cézanne et « l’art nègre ». Copyrighter l’art tribal reviendrait à accuser Picasso et les cubistes de contrefaçon. Les indemnités versées aux ethnies les plus pauvres de la planète que sont les Dan, les Fang ou les
Dogons seraient naturellement opportunes. Une forme de « taxe Tobin » sur l’art. Mais il n’est pas sûr que la création y gagne. Car à moins de payer des royalties, à ce rythme-là il ne restera plus aux artistes qu’à peindre le ciel bleu. Et encore en faisant attention de ne pas utiliser le bleu Yves Klein.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : © Art tribal