En 1592, le cardinal Odoardo Farnèse, arrière-arrière-petit-fils du pape Paul III, fait venir à Rome les frères Carrache, Annibal et Augustin, deux peintres originaires de Bologne.
Il leur commande la décoration du Camerino d’Hercule, sa propre chambre, plafond peint tout en grisaille au milieu duquel se dresse un Hercule au carrefour, aujourd’hui bien mal conservé, hésitant entre les voies du vice et de la vertu. Séduit par le talent des deux peintres, notamment par celui d’Annibal, le plus doué des deux frères, le cardinal leur commande en 1597 la décoration du plafond de la galerie voisine, qui durera jusqu’en 1608.
Chef-d’œuvre de l’histoire de l’art juste après, disons-le, la chapelle Sixtine, dont se sont imprégnés les Carrache, la Galerie vaut aujourd’hui à elle seule le billet d’avion pour Rome. Dans un déluge de couleurs plus naturalistes que celles de la Sixtine, la Galerie développe le thème du triomphe des amours terrestre et céleste, à l’aide de scènes tirées des Métamorphoses d’Ovide. Sculptures en trompe-l’œil, ignudi et tableaux reportés narrent la vie des dieux dont les corps, moins maniérés que ceux de Michel-Ange, et les compositions audacieuses, où l’on voit déjà poindre la peinture de paysage, marquent la transition du maniérisme vers le classicisme. Des générations entières d’artistes sont venues admirer Hermès, Pan, Junon, Silène et les autres, comme en témoigne encore un « graffiti » esquissé sur un mur de la Galerie. À notre tour de nous délecter…
Si l’exposition présente quelques œuvres séduisantes prêtées par les musées en grande partie napolitains, comme ce très bel Atlas Farnèse, le portrait de Paul III par Titien, L’Apollon en porphyre ou le Studiolo de Flaminio Boulanger (conservé, lui, à Écouen), elle ne révèle guère de surprises. Son découpage thématique un peu brouillon (les « Maîtres de maison », les bustes des philosophes…), que n’aide pas une scénographie rendue difficile par le plan même du palais, peine à esquisser l’ampleur du projet farnésien. On aimerait, par exemple, mieux comprendre quel rôle Fulvio Orsini, le bibliothécaire et fidèle conseiller de Paul III, dont un portrait est présent dans l’exposition, a joué dans la constitution de cette collection. On aimerait davantage saisir l’atmosphère stimulante que les Carrache apportèrent avec eux de Bologne et qui fit venir le Greco au palais. On voudrait mieux comprendre le modernisme de cette famille qui, la première à Rome, se mit à collectionner les peintres flamands. Malgré tout, cette exposition permet d’effleurer un sujet passionnant – les Farnèse – qu’il faut absolument approfondir par la lecture du précieux catalogue qui l’accompagne (éditions Giunti, 48 euros). Surtout, elle offre au public un parfait prétexte pour pénétrer dans ce palais, véritable sujet de l’exposition.
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La Galerie des Carrache, le clou du palais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : La Galerie des Carrache, le clou du palais