Cette année, les curateurs de la Biennale d’art contemporain du Whitney Museum à New York, Francesco Bonami et Gary Carrion-Murayari, ont pris leurs précautions pour éviter la salve de critiques des précédentes éditions.
Histoire de montrer la différence, ils ont réduit la liste à cinquante-cinq artistes. Il s’agit donc d’une biennale de crise, mais aussi d’un événement de l’Amérique d’Obama, comme l’indique la couverture du catalogue montrant le président américain affublé d’un chapeau de cow-boy. Or, si la biennale se veut une ode à l’optimisme du « Yes we can », on en sort plus frustré que galvanisé. Comme après un an de présidence somme toute.
Recentrer, condenser, éviter la hype et le spectacle, garder une taille humaine et une certaine tenue sont des efforts louables tant qu’une exposition garde un propos. Or on s’arrache les cheveux pour deviner le fil conducteur du parcours. La très courte préface du catalogue de la biennale n’offre guère de réponses, si ce n’est la formule ésotérique de « modernisme personnel ». Quelques dominantes émergent tant bien que mal, comme la performance et un goût pour l’abstraction.
Basée sur des séances de gymnastique prescrites par Daniel Schreber, mais qui ont fortement affecté le fils de ce dernier, une vidéo de Jesse Aron Green rappelle que l’autoritarisme paternel génère un trauma mental. C’est un traumatisme plus physique que décrivent les photos de Nina Berman, représentant un soldat américain monstrueusement défiguré lors d’un attentat à la bombe en Irak.
On le voit, les curateurs ont voulu coûte que coûte éviter la séduction. Mais tout cela est bien mince. Une bonne quantité des vidéos autour de la question du corps se ressemblent les unes les autres. Inodore, l’exposition n’offre aucun indice d’un possible sursaut de créativité avec la crise, si ce n’est par le biais d’un collectif foutraque, les Bruce High Quality Foundation. L’œuvre la plus pertinente et malicieuse est finalement celle immatérielle de Michael Asher : un cartel d’avertissement placé discrètement à tous les étages. Celui-ci indique que le musée n’a pu accepter sa proposition : rester ouvert vingt-quatre heures par jour sur une semaine.
Au bout du compte, il y a plus à regretter qu’à critiquer dans cette exposition. Le regret nous gagne d’ailleurs au dernier étage du musée, où les organisateurs ont accroché quelques œuvres en mémoire des biennales passées. Une fausse bonne idée, car les pièces de Lee Bontecou, Eva Hesse ou Robert Gober dépassent de loin celles des artistes exposés dans l’édition 2010.
« Biennale d’art contemporain », Whitney Museum, 945, Madison Avenue at 75th Street, New York (USA), www.whitney.org, jusqu’au 30 mai 2010.
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À Whitney, une biennale sans véritable visage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°624 du 1 mai 2010, avec le titre suivant : À Whitney, une biennale sans véritable visage