Berlin

Sombre et humaine

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mai 2006 - 370 mots

La quatrième mouture de la Biennale d’art contemporain de Berlin a parié sur un artiste, Maurizio Cattelan, un critique, Ali Subotnick et un commissaire, Massimiliano Gioni. Cattelan, en trublion de l’art contemporain, grand artiste volontiers déroutant, s’est toujours plu à brouiller les pistes : à Berlin c’est réussi !
Plutôt que de sillonner la planète, ils ont traversé l’Allemagne en train et cherché l’universel dans le détail. Du coup, la Biennale se déroule dans une seule et unique rue, Auguststrasse, devenue emblème du renouveau artistique de la ville après la chute du mur.
La morbidité et l’anxiété planant sur la programmation sont plus surprenantes. Jusqu’à présent, Cattelan avait fait preuve d’un humour acéré. N’avait-il pas assuré en 1999 la 6e édition de la Biennale des Caraïbes, exposition fictive qui permettait aux artistes de passer une semaine de vacances au soleil ?
À Berlin, au détour d’un appartement privé ou d’une ancienne école juive de jeunes filles, l’histoire et la mémoire invitent les fantômes, la nostalgie, la peur, quelques-unes des lignes directrices de l’événement.
Sur douze lieux, pour la plupart atypiques et restés « dans leur jus », on peut découvrir les œuvres de quelque soixante artistes, surtout allemands et anglo-saxons. Des œuvres lourdes et denses qui tissent une ambiance voulue entre paranoïa et énigme, fragilité et malaise.
Même le cimetière accueille des propositions ! Dans l’école désaffectée, la Britannique Tacita Dean dévoile son dernier opus, un film consacré à cinq nonnes irlandaises dans leur quotidien. Un constat doux et feutré de la disparition d’une tradition et d’un style de vie.
Pessimiste et dynamique, un paradoxe pour cette biennale qui s’est donné les moyens de produire la moitié des propositions, d’investir des lieux étonnants. Erik van Lieshout a ainsi traversé l’Allemagne à vélo. Son périple et ses rencontres sont diffusés dans un container tandis qu’Aneta Grzeszykowska, installée dans un appartement habité, présente son album de photo. Elle s’est effacée sur chacun des tirages.
À mille lieux des politiques de spectacles qui font les choux gras d’une certaine scène contemporaine, la Biennale de Berlin s’affiche sombre, profondément humaine et sensible.

4e Biennale de Berlin, « Des souris et des hommes », jusqu’au 28 mai 2006, Auguststrasse dans le quartier de Mitte, www.berlinbiennale.de

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Berlin

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