LILLE
L’événement Lille3000 se déroule cette année sur le thème «Â Renaissance ». Un mot qui évoque l’espoir et le renouveau possible dans un monde de crises, sur les airs du vivre ensemble, de l’écologie et de l’humain. Un mot qui fait aussi référence au cercle de réflexion politique créé par la maire de Lille, Martine Aubry, en 2013.
Ce n’est pas un retour vers l’histoire et l’époque de la Renaissance, quand Lille était flamande, mais une volonté de retrouver l’esprit de la Renaissance, lorsque l’Europe est sortie du Moyen Âge en plaçant l’homme au cœur de la société, avec une ouverture au monde, en favorisant le progrès et en magnifiant la nature. C’est l’occasion de montrer qu’à travers notre monde en crise et en perte de repères, le renouveau est en marche. » Ce 19 mai à Paris, la maire de Lille, Martine Aubry, ne présentait pas sa candidature à une élection mais bien la thématique de la nouvelle édition de Lille3000 baptisée « Renaissance », qui se déroule du 26 septembre 2015 au 17 janvier 2016. La comparaison avec un Moyen Âge obscur est quelque peu dépassée, mais l’idée est là : il ne s’agit pas d’un thème historique, mais d’une incitation à se tourner vers l’avenir, à sortir des crises successives et du pessimisme ambiant par la culture, l’urbanisme, l’écologie et les savoir-faire. Le programme est un peu plus sombre et politique que les éditions précédentes et son budget est à l’image de la période : 9 millions d’euros sur trois ans, c’est-à-dire un tiers de moins que « Fantastic » en 2012, tout en conservant le même niveau de mécénat (37 %).
Cinq villes-renaissance
« Il est vrai que “Renaissance” signifie que l’on part d’un contexte difficile à partir duquel il va falloir renaître, reconnaît Didier Fusillier, directeur artistique de Lille3000, fraîchement nommé cet été à la tête de La Villette, mais on a échappé à ce pessimisme en invitant cinq villes qui ont connu des traumatismes de diverses natures, que ce soit un génocide comme Phnom Penh ou une grave crise économique comme Detroit, et voir comment elles s’en sont relevées. »
Rio de Janeiro, Séoul, Phnom Penh, Detroit et Eindhoven sont les cinq villes choisies en différents points du globe pour leur vitalité artistique, culturelle et sociale et leur capacité de survie. Rio, la ville-contraste connue pour ses quelque neuf cents favelas et ses écoles de samba, est évidemment au cœur de la parade d’ouverture et de l’exposition « Cariocas ! » à la Maison Folie Wazemmes. Séoul, la puissance économique asiatique qui a fait une entrée fracassante et anarchique dans la modernité, s’installe au Tripostal tandis que Phnom Penh est reçue à l’Hospice Comtesse. La capitale du Cambodge a impressionné l’équipe de Lille3000 par sa jeunesse artistique, alors que quarante années de guerre et un génocide l’avaient vidée de ses forces vives. Enfin, Detroit et Eindhoven sont probablement le plus fidèle reflet de Lille et de sa région puisqu’elles ont aussi subi de graves crises économiques à la suite de la disparition de leurs industries. La première est devenue une ville-fantôme après la fermeture des usines automobiles. La seconde a perdu plus de 400 000 emplois lors du déménagement de l’entreprise Phillips à Amsterdam dans les années 1990. Pour Lille, qui a vu la chute de son économie textile et minière, la renaissance de ces deux villes américaine et hollandaise est posée aujourd’hui comme un exemple.
Un foisonnement d’événements
Mais le programme de Lille3000 ne s’arrête pas là, « il est surtout d’accueillir énormément de propositions et de les mettre en harmonie ». Ainsi, 71 villes partenaires ont développé un projet spécifique pour cette édition, impliquant une participation des écoles, des communes, des associations, des collectifs et de partenaires privés, parfois depuis trois ans. C’est le cas pour les étudiants d’ESMOD Roubaix qui ont réalisé les accessoires et les imprimés portés par les acteurs de la parade d’ouverture. Ceux de l’École nationale supérieure d’architecture de Lille ont conçu le Pavillon Renaissance situé gare Saint-Sauveur. Sont également prévus pendant ces quatre mois des bals, des week-ends thématiques, des FabLab, des boutiques, des concerts, des ateliers, des débats. Lille3000 lance également des projets pérennes comme une ferme urbaine conçue par Lille-design et Design for Change installée dans le quartier Saint-Sauveur. De même, ce sont des projets pour un quartier de Lille à l’horizon 2050 qu’exposent les quatre équipes retenues pour le concours bas carbone EDF, associé à l’événement. Enfin, le projet « Cafés Renaissance » permet à de petits cafés des villes de l’Eurométropole qui ont fermé d’ouvrir à nouveau leurs portes à des événements, en espérant que cette seconde vie soit durable.
Programme politique
Participatif, écologique, créatif, positif, humain… Voici ce que veut être « Renaissance ». La thématique choisie juste après la présidentielle de 2012 ressemble à une série de promesses de campagne. Le mot n’est d’ailleurs pas nouveau pour Martine Aubry puisqu’il est aussi le titre d’une « Coopérative d’idées et d’actions » qu’elle a créée en décembre 2013. Il apparaît également dans la tribune de la maire parue dans Le Monde au mois d’août 2013 : « Nous avons la responsabilité de faire émerger un monde nouveau. Oui, c’est à ce niveau que nous devons fixer notre ambition politique, celui d’une nouvelle “renaissance”. Renaissance, je choisis ce terme au plus loin de toute idée de restauration d’un temps passé, source de régression et de repli, et en référence aux composantes essentielles du mouvement qui a sorti l’Europe du Moyen Âge : l’homme remis au cœur de la société, le progrès scientifique, la nature magnifiée, l’ouverture au monde. » La nature, le progrès et même le Moyen Âge étaient déjà là.
Ces deux villes ont connu des crises industrielles comparables à celle de la région lilloise. Pour la nouvelle édition de Lille3000, celle-ci a donc invité les artistes qui incarnent aujourd’hui leur renaissance. Ceux de Detroit ont investi la gare Saint-Sauveur. Le photographe Steven Shaw expose un portrait photographique des différentes périodes de sa ville quand Corrie Baldauf donne une teinte positive aux quartiers grâce à ses filtres colorés. Scott Hocking a procédé pour son installation à la gare comme il le fait à Detroit, en collectant des matériaux trouvés tout autour. Les artistes d’Eindhoven sont eux accueillis à la Maison Folie Moulins. Forts du passé de la ville qui abritait l’usine Phillips, ils travaillent surtout avec la lumière. Elle devient matière dans les œuvres du duo Nonotak et l’objet de l’installation immersive de Meeus Van Dis. Avec elle, le textile et le design sont aussi au cœur de la créativité d’Eindhoven grâce à la Design Academy School dont plusieurs artistes invités sont issus. Des concerts, un restaurant ou encore un FabLab pour travailler avec les designers, sont aussi au programme.
Phnom Penh, la renaissance de la ville martyre
La capitale cambodgienne est aujourd’hui un foyer créatif inattendu au vu de son histoire violente marquée par un génocide. Le commissaire Christian Caujolle, directeur artistique du festival Photo Phnom Penh, présente à l’Hospice Comtesse l’effervescence de trois générations d’artistes, photographes, peintres, designers, qui participent à la construction d’une nouvelle identité culturelle et artistique du pays.
Rio de Janeiro, l’énergie de la rue
À Rio, la rue est le lieu des festivités et le symbole du vivre ensemble. La ville envahit les rues de Lille dès la parade d’ouverture avec la participation des écoles de samba. Parmi les 16 artistes réunis à la Maison Folie Wazemmes, une invitation spéciale a été faite à la galerie A Gentil Carioca, fondée par Ernesto Neto, Laura Lima et Marcio Botner, qui s’empare de la rue comme lieu d’exposition et source d’inspiration.
Séoul, l’hypermoderne
Séoul est devenue en quarante ans une des plus grandes puissances asiatiques. Le titre de l’exposition au Tripostal « Séoul, vite, vite ! » traduit autant son dynamisme qu’un développement anarchique. Les artistes coréens et internationaux posent un regard sur les multiples facettes de la ville, du pop art de Choi Jeong Hwa aux créatures robotiques de Choe U-Ram. La cohabitation conflictuelle avec la Corée du Nord s’impose aussi dans l’œuvre de l’artiste Kyungah Ham qui travaille avec des artisans vivant de l’autre côté de la frontière.
Bye bye Renaissance ! Bonjour Chagall !
En 2009, alors que l’Inde était à l’honneur de Lille3000, La Piscine de Roubaix inaugurait une saison finlandaise, ce qui valut à son exposition d’être rebaptisée « F(Inde)lande ». Cette année encore, le musée est loin du thème Renaissance en proposant une exposition consacrée à la place de la musique dans l’œuvre de Chagall. Le titre « Chagall, les sources de la musique » fait d’ailleurs référence à l’un des panneaux décoratifs conçu par l’artiste pour le Metropolitan Opera du Lincoln Art Center à New York en 1967. L’explication vient officiellement du partenariat avec le Musée national de la musique qui présente à partir du 13 octobre à Paris l’autre volet intitulé « Chagall, le triomphe de la musique ». Mais La Piscine n’est pas seule à bouder la programmation de Lille3000. Le peintre est aussi à l’honneur du MUba de Tourcoing qui accueille l’exposition des magnifiques tapisseries réalisées d’après son œuvre, visibles en 2014 au Musée des beaux-arts de Troyes, « Chagall. De la palette au métier ».
« Chagall, les sources de la musique »
Du 24 octobre au 31 janvier 2016. La Piscine, Roubaix (59). www.roubaix-lapiscine.com
« Chagall. De la palette au métier »
Du 24 octobre au 31 janvier 2016. MUba, Tourcoing (59). www.muba-tourcoing.fr
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Lille3000 Renaissance
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Abonnez-vous dès 1 €Du 26 septembre au 17 janvier. Lille et le Nord-Pas-de-Calais. Parade d’ouverture, le 26 septembre à partir de 20 h sur l’esplanade de la gare Lille-Flandres. www.renaissance-lille.com
Légende photo
Le Tripostal, Lille © Photo : Maxime Dufour.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : Lille3000 Renaissance