El Lissitzky / Kabakov, art et politique

 L’exposition que ces institutions ont consacrée à ces deux grandes figures de l’art russe – El Lissitzky et le couple Ilya et Emilia Kabakov – est remarquable à tous points de vue. Aussi, un immense regret : qu’elle n’ait pas fait étape en France. Placée sous la problématique duelle des rapports de l’art entre utopie et réalité, elle questionne les fondements mêmes de la modernité. Figure majeure des avant-gardes russes du début du XXe siècle, El Lissitzky s’est appliqué en son temps à créer un « nouveau langage pour de nouveaux hommes », mais s’est heurté à l’autorité d’un régime sourd à toute innovation et avide d’esthétique réaliste-socialiste. Les Kabakov, quant à eux, se sont fait les témoins de la catastrophe à laquelle le régime communiste a entraîné ceux auxquels il promettait un avenir radieux, aussi se sont-ils rebellés contre son hypocrisie. Tandis que l’un s’est trouvé finalement pris au piège dans l’étau d’une idéologie qu’il combattait, les autres ont été contraints et forcés à l’exil. Entre utopie et réalité, par-delà toute considération d’époque, l’aventure respective de chacun de ces créateurs trouve plus d’un point commun dans l’énergie et la dynamique de leur posture. À Moscou, l’exposition magnifiquement documentée et scénographiée qu’avait conçue Olga Sviblova sur les sept étages de son musée était d’autant plus forte qu’elle était au pays même où l’histoire de ces artistes s’est écrite.