À parcourir les salles de l’exposition que la Royal Academy de Londres consacre au « Bronze », majuscule et singulier, le visiteur sera quelque peu piégé.
Piégé par un sentiment ambivalent, par un plaisir équivoque. Il sera certain de voir là des chefs-d’œuvre de la sculpture comme peu de musées sont capables d’en réunir – du reste, pour couvrir cinq mille années d’une technique, mieux vaut arguer des soutiens royaux et convoquer des pièces millésimées – dans un parcours lacunaire.
Ainsi le regardeur peut-il découvrir, pêle-mêle, d’immémoriaux objets mésopotamiens, l’admirable Char solaire de Trundholm (vers 1400 av. J.-C.), la Chimère d’Arezzo (vers 400 av. J.-C.), des merveilles hellénistiques, des divinités cambodgiennes, un autel ottonien, des reliefs de Ghiberti, des patines polies par Brancusi, des chairs entrelardées par Richier. Pêle-mêle. Sans doute est-ce de là, de cette opulence confuse, de cette hétérogénéité baroque, que provient l’amertume de ne pouvoir deviner la cohérence et la congruence, celles qu’une débauche de joyaux aurait pourtant nécessitées. Difficile de voir sous les exceptions la règle, derrière les exemples la loi, celle d’une matière infiniment complexe qui vit des artistes redoubler d’inventivité, afin que ce derme d’airain fût conforme à leurs desseins imaginés. Il s’agit bien de la présentation de « bronzes », divers et pluriels, non d’une technique et d’une matière, d’un credo et d’un combat.
La belle salle didactique ne parvient à masquer les errements du catalogue, dépourvu d’études affûtées, et les lacunes du parcours, au séquençage esthétisant et fragile – « Animaux », « Reliefs », « Dieux » –, aux cartels dénués d’informations techniques – dates de fonte, nuances des patines, noms des fondeurs – quand le sujet, à l’évidence, le méritait. Le pêle-mêle, comme le kaléidoscope que secoue l’enfant ad libitum, garantit de belles surprises, ainsi le voisinage d’une œuvre d’Adriaen de Vries avec des splendeurs contemporaines du Niger. Rare consolation de cette anthologie débridée. À Londres, on appelle cela un « best of ».
Royal Academy of Arts, Burlington House, Piccadilly, Londres (Royaume-Uni), www.royalacademy.org.uk
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Un best of bronze
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°651 du 1 novembre 2012, avec le titre suivant : Un best of bronze