Il avait quatre-vingt-un ans lorsqu’il s’est éteint, laissant à son logeur le soin de rendre public l’œuvre de sa vie, Les Royaumes de l’Irréel, ouvrage de quinze mille pages accompagné de plusieurs centaines d’illustrations. De véritables fantasmes graphiques et chromatiques à la hauteur du récit de sept Viviane, petites filles combattantes au sexe phallique.
L’univers de Henry Darger (1892-1973) est un autoportrait et un refuge pour cet homme que la vie n’a pas gâté. Privé à quatre ans de sa mère, l’enfant grandit avec violence dans l’incompréhension et se voit placé par son père dans un institut psychiatrique à ses douze ans. Pendant cinq années, brimades, privations, mauvaise éducation poussent toujours plus cet Américain dans ses retranchements. Il lui faudra s’échapper pour enfin décider de son propre enfermement dans un monde de fantasmagories nourri pas ses passions pour la guerre de Sécession, les saints martyrs et Le Magicien d’Oz.
Darger travailla à son grand œuvre dès 1911. Autodidacte, le jeune homme découpe et décalque les dessins de fillettes prélevés dans la presse, la littérature enfantine illustrée et les catalogues de mode. Il les retravaille à l’aquarelle dans de grandes compositions colorées envahies de créatures fantastiques. Il est tentant de pressentir dans les scènes d’humiliation d’enfants les violences encaissées par Darger. Mais cette seule lecture psychanalytique de ces extraordinaires images serait injuste face au talent de ce solitaire.
« Bruit et Fureur, Henry Darger (1892-1973) », La Maison rouge, fondation Antoine de Galbert, 10, boulevard de la Bastille, Paris Xe, jusqu’au 24 septembre.
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Henry Darger, le solitaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Henry Darger, le solitaire