Flamand de naissance et de formation, Philippe de Champaigne (1602-1674) a fait sa carrière en France. Dès lors, il ne relève ni de l’une ni l’autre école, mais fait la synthèse des deux courants. L’exposition de Lille, aussi prestigieuse que la rétrospective Rubens organisée en 2004, met en évidence les deux versants d’un parcours toujours proche des élites. Aux portraits d’apparat, brillants et majestueux des dignitaires de la cour de Louis XIII, succèdent les portraits des « gens de Port-Royal » et les scènes religieuses, imprégnés jusque dans leur facture dépouillée de l’austère spiritualité du jansénisme.
Injuste postérité ! Alors que bon nombre des portraits exécutés par Philippe de Champaigne sont connus de tous pour avoir illustré la plupart des livres d’histoire, qui est aujourd’hui capable de mettre un nom d’auteur sur ces représentations de Richelieu, Louis XIII ou Marie de Médicis ? Actif au cours d’un siècle trop brillant en matière de peinture, à l’aube de la majorité de Louis XIV, Champaigne est longtemps resté dans l’ombre de ses illustres contemporains, Nicolas Poussin (1594-1665), Simon Vouet (1590-1649), Eustache Le Sueur (1616-1655), Laurent de La Hyre (1606-1656) ou Jacques Stella (1596-1657), puis, plus tard, du jeune Le Brun (1619-1690) qui incarnera la nouvelle génération d’artistes au service de Versailles.
Une série de malentendus ont écarté l’œuvre de Champaigne
D’une nature discrète, le plus flamand des peintres français est victime d’un cumul de malentendus. Né à Bruxelles et formé par des maîtres flamands, il occupa toujours une place marginale au sein de cette école septentrionale où Rubens et Van Dyck étaient encore actifs, mais aussi de l’école française.
Naturalisé en 1629, il n’en conserve pas moins un goût très affirmé pour la description minutieuse, la facture efficace, dans la tradition du réalisme analytique flamand. Auquel il ajoute un goût pour le grand style et une connaissance approfondie de l’art italien, créant un art somme toute composite, qui l’a laissé en marge des grands courants. La faute, peut-être aussi, à une religiosité affirmée et sévère, dans la mouvance de l’austère courant de pensée de Port-Royal.
Pourtant, là encore, Champaigne a suscité les malentendus, en étant trop souvent considéré comme l’artiste de Port-Royal, quitte à occulter le reste de sa production. Car le peintre toucha à tous les genres, de la peinture d’histoire au paysage, toujours dans une veine flamande, du portrait aux grands décors, souvent oubliés car détruits ou démantelés.
Dès la fin du xviie siècle, son art, qui privilégie l’intériorité, est rapidement marginalisé par la fête versaillaise qui préfère la peinture d’histoire et ses accents mythologiques. Sa personnalité complexe est ensuite délaissée par les historiens de l’art qui ne parviennent pas à l’inscrire dans une catégorie précise alors que bon nombre de ses peintures, notamment les portraits, étaient encore en mains privées, ce qui n’a pas facilité sa découverte par le public. Sans oublier la confusion qui existait concernant sa production, entre œuvres de sa main et tableaux exécutés par son neveu, Jean-Baptiste de Champaigne, et son élève, Nicolas de Plattemontagne.
Philippe de Champaigne méritait donc que son travail soit enfin remis à plat. C’est chose faite avec cette première grande rétrospective française en quatre-vingt-cinq tableaux, qui poursuivra ensuite son voyage vers Genève.
1602 Naissance de Champaigne à Bruxelles. 1614-1620 Reçoit l’enseignement de Jean Bouillon puis du miniaturiste Michel de Bourdeaux et enfin du paysagiste Fouquières. 1621 Refusant d’entrer dans l’atelier de Rubens, il poursuit sa formation avec Lallemant à Paris. 1628 Devient peintre ordinaire de la reine mère, Marie de Médicis. Il épouse la même année la fille de l’artiste Nicolas Duchenes. 1637 Peintre officiel de la cour. 1648 Il est l’un des membres fondateurs de l’Académie de peinture et de sculpture. Début de ses relations avec le milieu de Port-Royal. 1662 Réalise L’Ex-voto du Louvre pour la guérison miraculeuse de sa fille. 1674 Mort de Champaigne à Paris.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Champaigne le grand oublié
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Champaigne le grand oublié