Un bréviaire des ateliers d’artistes dans la capitale pour les flâneurs et les curieux.
Cartographier la pratique artistique à Paris, et ce quelle que fût la période, n’est pas chose aisée. La faute à la densité du tissu urbain comme à la mobilité d’une bohème qui, désargentée donc nomade, multiplia sans scrupule les adresses. Par conséquent, les hautes verrières et les mezzanines ligneuses, entraperçues par le promeneur depuis les trottoirs, demeurent souvent anonymes et secrètes.
Difficile, donc, de concevoir un ouvrage qui puisse élaborer une typologie de l’atelier en fonction de l’Histoire et, symétriquement, de dessiner une topographie éloquente de la création parisienne. C’est précisément le défi relevé par Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois qui tentent, avec courage, de croiser les enjeux : après une introduction où sont affrontées la mythologie et l’évolution de l’atelier, les séquences chronologiques – la monarchie, le XIXe siècle, 1905-1930 et la période contemporaine – sont articulées géographiquement, par rive, par arrondissement ou par quartier.
Le résultat, convaincant pour le XIXe siècle, cet « âge d’or des ateliers », devient quelque peu cacophonique pour le premier tiers du siècle suivant : abordant successivement « Les débuts à Montparnasse », « La révolution du béton », « Les villas-ateliers du Mouvement moderne », les auteurs ne parviennent pas à rendre étanches les chapitres les uns aux autres, tant et si bien que le lecteur peine à trouver ses repères et, ce faisant, sa voie.
Les belles photographies, réalisées par David Boureau, et les nombreux encadrés, réservés à Constantin Brancusi, à Ossip Zadkine ou à la Ruche, caractérisent les éditions Parigramme, soucieuses de multiplier les registres d’information et les vibrations de l’œil. Sont ainsi approchés la Cité fleurie (13e arrondissement) comme le Musée Bourdelle (15e), le confidentiel comme l’institutionnel, l’espace privé comme le lieu public, voire commun, de telle sorte que la brique le dispute au béton et l’arbre au pavé.
Tandis que des images d’archive, en noir et blanc, alternent avec des vues récentes – de l’atelier comme de l’édifice dans son ensemble – et des plans d’architecte, les citations et anecdotes achèvent de rendre cet ouvrage vivant, plein d’une sève roborative. Son parfum d’authentique permet de faire revivre le délicieux Bateau-Lavoir de Picasso et les splendides constructions de Robert Mallet-Stevens.
Parfois trébuchant, cet ouvrage bigarré, richement illustré, doctement commenté, interdit toute navigation fluide, certes. Mais il constitue une invitation à marcher, et, comme Charles Baudelaire, Walter Benjamin ou Louis Aragon, à se perdre. Qu’importe s’il déçoit le spécialiste et le vétilleux, il saura assurément séduire les autres : le plus grand nombre.
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Visite d’ateliers à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Jean-Claude Delorme, Anne-Marie Dubois, Ateliers d’artistes à Paris, photographies David Boureau, éd. Parigramme, Paris, 2015, 160 pages, 19,90 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : Visite d’ateliers à Paris