Référence. Aucun art n’aimante autant les regards que l’art contemporain chinois. Certes pour des raisons souvent étrangères à la chose de l’art : idéologiques d’abord – qui n’a pas entendu parler des mésaventures d’Ai Weiwei ? –, marchandes ensuite – parmi les dix artistes les plus chers au monde figurent six Chinois, s’étonne-t-on régulièrement. Et quand le travail d’un artiste est présenté dans une institution honorable, celle-ci est-elle immédiatement suspectée d’accommodements avec le marché. Il en va ainsi de Zeng Fanzhi, « l’artiste le plus coté du marché », dont l’exposition au Musée d’art moderne de la Ville de Paris ferait, dit-on, les beaux jour du collectionneur François Pinault… Tout cela est en partie vrai ; mais qu’en est-il de l’art, ses qualités plastiques, sinon historiques ? Là, les critiques se font plus rares, et pour cause : la culture chinoise n’est pas la culture occidentale, et nos commentateurs les plus avisés peinent parfois à ôter le filtre occidental de leurs yeux. Normal, dira-t-on, car ce qui est vrai ailleurs, est vrai pour la Chine : « Quiconque souhaite rédiger une histoire de l’art chinois se heurte à un obstacle : comprendre le contexte historique chinois », prévient Lü Peng, auteur en 2006 d’une Histoire de l’art chinois au XXe siècle traduite aujourd’hui en français aux éditions Somogy. « On ne saurait comprendre la Chine aujourd’hui sans se pencher sur celle d’hier », dit le spécialiste de l’art de son pays, qui ne tait pas les difficultés d’une telle entreprise : la disparition lors des conflits des sources et des archives, et l’absence d’une collection universelle, au sens où on l’entend par exemple au Louvre ou au Met, « en raison surtout des préjugés et des abus des pouvoirs politiques », qui permettrait pourtant de comprendre le sens de l’histoire de l’art chinois… C’est donc à cette dernière tâche que s’est attelé l’historien, avant qu’un nouveau soubresaut politique ne l’éloigne un peu plus des générations futures… Histoire de l’art chinois au XXe siècle prend pour point de départ les échanges avec l’Occident, l’influence de l’art européen à la fin de la dynastie Qing (1644-1912), dernière dynastie impériale à avoir régné sur la Chine. À la fin du XIXe siècle, la tendance est à l’occidentalisation et se généralise après la Révolution de 1911. Mais la guerre contre le Japon (1937) et la montée des idéologies, dont la pensée de Mao, y mettent un terme en isolant des artistes de plus en plus « invités » à regarder du côté du réalisme socialiste russe jusqu’au paroxysme de la Révolution culturelle (1966-1976), « période où l’art chinois est comparable à celui des nazis », analyse Lü Peng. La réouverture au monde se fait avec les années 1980, quand les Chinois découvrent Warhol et Duchamp, ce qui les conduit au « réalisme cynique » des années 1990 dont les artistes « deviennent peu à peu les stars du marché pour prendre une place prépondérante dans la première décennie du nouveau millénaire ». Lourd de près de 800 pages, cet ouvrage est influencé, reconnaît son auteur, par les grands livres de l’histoire de l’art occidental (dont le fameux Gombrich). On n’y décèle ni nationalisme ni complaisance, notamment envers l’art actuel « entré [depuis 1997] dans une phase de tiédeur ». C’est sans doute pourquoi cette Histoire de l’art chinois au XXe siècle s’impose, dès sa sortie, comme une référence. Référence qu’elle est appelée à rester.
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Une histoire de l’art chinois, sans nationalisme ni complaisance : Lü Peng, Histoire de l’art chinois au XXe siècle
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Abonnez-vous dès 1 €Lü Peng, Histoire de l’art chinois au XXe siècle, éditions Somogy, 800 p., 800 ill., 145 €.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°665 du 1 février 2014, avec le titre suivant : Une histoire de l’art chinois, sans nationalisme ni complaisance : Lü Peng, Histoire de l’art chinois au XXe siècle