Présenté à Cannes, ce biopic raconte la vie du peintre, et du couple qu’il forme avec Marthe, à la ville comme à l’atelier.
Au Festival de Cannes, en mai dernier, Pierre Bonnard était chez lui. En effet, le peintre a vécu près de vingt-cinq ans au Cannet. Il y est mort en 1947 et y possède aujourd’hui son musée. Pour la première fois, le cinéma s’intéresse à son destin et le film de Martin Provost, Bonnard, Pierre et Marthe, se devait de naître à une poignée de kilomètres de la dernière demeure du peintre. Bonnard, Pierre et Marthe se situe dans une fructueuse et inégale lignée de biopics d’artistes du XIXe siècle : Renoir de Gilles Bourdos (2012), Cézanne et moi de Danièle Thompson (2016), Gauguin. Voyage à Tahiti d’Édouard Deluc (2017), etc., sans bien sûr remonter au siècle dernier et à l’indépassable Van Gogh de Maurice Pialat (1991). De façon assez étonnante, l’impressionnisme est un mouvement artistique contemporain du cinéma, qui lui aura légué le mode d’emploi de sa propre représentation. Ces films, de qualité diverse, alignent pêle-mêle les soirées festives et alcoolisées dans des clairs-obscurs de lampe à huile, les apparitions d’autres peintres en guest-stars, les pique-niques champêtres et les baignades printanières dans des lumières filtrées par les branches d’arbre. Bonnard, Pierre et Marthe n’échappe pas à ces passages obligés pour, heureusement, s’en éloigner à mesure que se dessine son épilogue. Le film suit pratiquement toute la vie de l’artiste, de ses débuts dans une petite chambre sous les toits de Paris à ses derniers jours au bord de la Méditerranée. Comme l’indique le titre, Martin Provost s’intéresse autant au peintre, joué par Vincent Macaigne, qu’à Marthe, qu’interprète Cécile de France. Car Pierre, toute sa vie, va peindre Marthe de Méligny, modèle rencontré par hasard. Elle lui aura inspiré, nous dit-on, plus de 2 000 peintures, soit un bon tiers de son œuvre. Le film raconte donc moins un peintre qu’un couple, pour nous poser la question de la « muse ». Pierre peut-il exister sans Marthe ? L’apparition de Renée (Stacy Martin), une jeune étudiante de l’École des beaux-arts, vient briser temporairement cette complicité, mais, en réalité, Pierre ne pourra jamais se passer de Marthe. Dès lors, qui produit l’œuvre ? La main qui peint ou bien le corps et l’âme qui la guident sur la toile ? Le film travaille bien entendu l’énigme du vampire. Marthe s’est-elle tout entière donnée à l’art de Pierre au point d’en oublier ses propres possibilités, et de passer, peut-être, à côté de son destin d’artiste ? Pierre, en sublimant Marthe l’a-t-il aussi brisée ? Bonnard, Pierre et Marthe nous dit surtout combien il l’a aimée. Et la grande question du film de Martin Provost reste celle, essentielle et insondable, du rôle du sentiment amoureux dans l’histoire de la création artistique.
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Une fresque de la vie d’artiste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°766 du 1 juillet 2023, avec le titre suivant : Une fresque de la vie d’artiste