Il y a un siècle, une vache défrayait la chronique. La France s’émouvait alors du sort de la Vache d’Alan, une sculpture monumentale ornant le tympan de l’ancien palais épiscopal de cette charmante commune occitane.
Convoité par des antiquaires, ce chef-d’œuvre gothique avait failli être arraché à son édifice avant la Grande Guerre. La mobilisation des habitants avait toutefois pu éviter cette vente à la découpe. Mais, coup de théâtre, au début des années 1920, alors même qu’il a entre-temps été protégé au titre des monuments historiques, le bovin de pierre suscite à nouveau l’appétit de marchands peu scrupuleux. Désemparé, le maire du village sollicite Édouard Mortier, duc de Trévise, qui sillonne alors la région, alerté par de nombreux monuments en péril. Ce dernier prend alors sa plume et porte l’affaire sur la place publique dans un article retentissant qui sauve définitivement la sculpture. Cette prise de position par voie de presse n’est que la première d’une longue série, car le duc, passionné de patrimoine et diplômé en droit et en histoire, comprend vite le rôle qu’il peut jouer dans la défense des monuments et de l’esthétique des paysages de son pays. D’autant que la France, déjà martyrisée par les affres de la guerre de 14, se retrouve confrontée à une autre menace plus insidieuse : l’« elginisme ». Ce néologisme, construit en référence aux prédations archéologiques de lord Elgin, désigne une pratique qui prend alors de l’ampleur : le dépeçage des monuments. Afin de combattre ce pillage, mais aussi de lutter contre le vandalisme d’État ou l’incurie de certains affectataires, le duc décide de créer l’association La Sauvegarde de l’art français. Un siècle plus tard, l’association est toujours active. Elle est même un des acteurs de terrain les plus énergiques et le premier mécène du pays. À l’occasion de son centenaire, la Sauvegarde a déposé ses archives à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine. En rassemblant cette foule de documents, véritable mine d’informations, l’association a décidé de dresser le bilan de cent ans d’engagement, mais aussi de mettre en valeur la pérennité, hélas, de cette lutte. L’ouvrage ne se limite cependant pas à un inventaire des plus gros scandales patrimoniaux. Il raconte aussi un aspect inattendu de la Sauvegarde : son avant-gardisme. Au fil des pages, on est en effet frappé par la modernité de ses moyens d’action : campagne médiatique, lobbying législatif, goodies, expositions de sensibilisation, envoi de newsletter avant la lettre à ses abonnés, crowdfunding, mais aussi recherche de grands mécènes. L’association a tout simplement posé les jalons des outils encore usités de nos jours par les défenseurs du patrimoine !
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Un livre pour un siècle d’engagement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°752 du 1 mars 2022, avec le titre suivant : Un livre pour un siècle d’engagement