Un livre anniversaire retrace les 50 ans de la galerie Templon et le parcours d’un marchand d’art visionnaire.
« Il n’y a jamais eu une minute dans ma vie où j’ai imaginé faire autre chose. Cinquante ans après, je suis dans le même état d’esprit. » Ainsi s’exprime Daniel Templon dans l’entretien avec Catherine Grenier qui ouvre cet épais catalogue en forme de rétrospective, de 1966 à 2016, publié à l’occasion des 50 ans de sa galerie, située depuis mars 1972 rue Beaubourg, en face du Centre Pompidou. Soit un demi-siècle d’expositions « chez Daniel », rien de moins.
Créateur d’art press, celui qui se définit avant tout comme un marchand de tableaux ouvre sa première galerie dans une cave de la rue Bonaparte, à Saint-Germain-des-Prés, à Paris, en 1966. L’instituteur suppléant à Nanterre, fils d’un fonctionnaire à la mairie de Bois-Colombe a tout juste 21 ans et avoue lui-même n’avoir alors « aucune idée de ce qu’était l’art ». De ses débuts aventureux, la foi chevillée au corps, il raconte aujourd’hui volontiers, fortune faite, avoir vécu cinq ans dans une chambre de bonne de 12 m2 avec sa compagne d’alors, Catherine Millet. Le jeune banlieusard ambitieux voulait rencontrer des musiciens. À défaut de posséder la culture musicale nécessaire, le galeriste côtoiera des peintres, et pas des moindres, avec pour ligne de n’en avoir aucune. « Une galerie ne peut pas se consacrer à une seule ligne esthétique, puisqu’il n’y en a aucune qui représente “LA” vérité historique », affirme-t-il. Le choix de l’éclectisme, sans hiérarchie. Mais toujours des artistes qui représentent leur temps, en vertu du principe qu’une galerie « doit être le reflet de l’époque plutôt que la manifestation d’une tendance ». Défenseur de la figuration en peinture (Rebeyrolle, Garouste, Adami, Szafran, Monory, Cognée…), Templon dénonce ici « cette particularité française, marquée d’abord par la prééminence de l’abstraction (l’École de Paris et sa descendance) et par le néo-duchampisme ».
Une scène internationale
Logiquement, son intérêt se porte très tôt vers les artistes étrangers. La galerie expose les grands américains du pop art : Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, James Rosenquist ; et la nouvelle génération des années 1980 : Julian Schnabel, Robert Longo, David Salle, Jean-Michel Basquiat, George Condo et Keith Haring. Chez les Italiens, Enzo Cucchi, Francesco Clemente et Mimmo Paladino. Chez les Allemands, Jörg Immendorff, Georg Baselitz. Refusant les étiquettes, appréciant tout autant l’art conceptuel et minimaliste, il montre dans ses murs Ellsworth Kelly, Frank Stella, Donald Judd, Dan Flavin, Carl Andre, Richard Serra, Richard Long, Daniel Buren et bien d’autres. Durant vingt-cinq ans, il connaît une relation suivie avec le légendaire Leo Castelli, devenu son mentor et ami. Au point que la galerie apparaît parfois comme sa succursale parisienne. On lui doit ainsi d’avoir, pour une grande part, fait connaître en France l’art américain dès les années 1970, après la révélation avant-gardiste que fut la Documenta de Kassel en 1968. Le programme des expositions de ces dernières années prouve que le désir de découverte est toujours bien présent. Un flambeau repris par Mathieu, son fils, qui dirige désormais un second espace ouvert à Bruxelles. À souligner, une bonne idée du livre : reprendre pour chaque exposition critiques et entretiens parus dans la presse sous la plume des meilleures signatures de l’époque, jouant la carte de la perspective historique. Pour le tome II, rendez-vous dans cinquante ans.
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Un demi-siècle dans l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Entretiens avec Catherine Grenier, éd. Galerie Daniel Templon, 960 pages, 37 €.
À lire également : Julie Verlaine, Daniel Templon, une histoire d’art contemporain, Flammarion, coll. Écrire L’art, 480 p., 35 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°472 du 3 février 2017, avec le titre suivant : Un demi-siècle dans l’art