Livre

Littérature

Traduire sans trahir

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 21 novembre 2019 - 348 mots

En cette fin d’année, les éditions Hazan ont choisi de rééditer Les Fables de La Fontaine illustrées par Chagall.

Les fables, Chagall, La Fontaine, livret d’Ambre Gauthier, Hazan, 220 p., 35 €. © Hazan
Les fables, Chagall, La Fontaine, livret d’Ambre Gauthier, Hazan, 220 p., 35 €.
© Hazan

Opportunité d’approcher le travail de l’artiste russe qui faisait, avec cet ouvrage, ses premiers pas d’imprégnation dans la culture et la tradition littéraire proprement française. Occasion renouvelée de se plonger dans la morale intemporelle des fables du poète inspiré d’Ésope, et de redécouvrir leur ouverture de ton, de forme et de style, jamais éteinte. Ce sont deux visions qui se superposent, deux modernités qui se rencontrent, deux libertés qui se rehaussent, aux mondes et aux formes complémentaires, et vivent en dialogue. Quand, à la demande de l’éditeur et marchand d’art Ambroise Vollard, il entreprend à partir de 1927 d’illustrer Les Fables, Marc Chagall n’a encore qu’une connaissance très limitée de la langue française qu’il lui faudrait traduire en images. Cela le conduit à s’emparer des sonorités et de la musicalité de la langue pour en transposer sous sa gouache la fluidité de l’âme, mais aussi à s’imbiber de tout le contexte français, de ses campagnes, pour en comprendre l’essence profonde et la vitalité. Nous reconnaissons en La Fontaine une fine analyse consciente, critique, scrupuleuse des us et des travers de la bourgeoisie de son temps. Et les transpositions de sa réflexion en paraboles fabuleuses rendent sa résonance intemporelle. Il y a en Chagall la transparence d’une expérience de vie. Et tout le contexte vivant, intégré depuis son point de vue extérieur, rêvé, somatisé, fait corps avec le génie du texte plus même qu’avec son sens. C’est en trouvant au fond de soi les racines du mythe, en incorporant la sève de la langue aux traces de ses origines orientales que Chagall, le fabuliste, raconte en traits et en couleurs l’essence d’une vérité. Pour le lecteur, l’expérience se reproduit. Le tableau ne se livre pas de prime abord. Il faut que l’esprit, il faut que l’œil en pénètrent d’abord la maille et le sens des couleurs, qu’ils l’apprivoisent et qu’ils le redécouvrent depuis l’intérieur pour en retenir la raison d’une fable, peut-être plus personnelle, plus vraie et donc plus unanime.

Les Fables,
Chagall, La Fontaine,
livret d’Ambre Gauthier, Hazan, 220 p., 35 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Traduire sans trahir

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