Celle qui n’était qu’une pratique oisive, juste bonne à enregistrer puis diffuser le monde ainsi que le font les écrans et les postes, est devenue au fil des années un champ singulier, susceptible d’enfanter parmi les plus belles expositions des dernières années – « La Subversion des images : surréalisme, photographie, film » au Centre Pompidou, en 2009 et « José María Sert, le Titan à l’œuvre », au Petit Palais à Paris en 2012. Du reste, Michel Poivert, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, fut l’un des commissaires de la première exposition, laquelle se distingua par son ampleur intellectuelle, sa finesse scientifique et sa jubilation visuelle. Comme une promesse…
L’élégance, qui distingue depuis longtemps les éditions Citadelles & Mazenod, prévaut sans conteste : une introduction alerte et une conclusion enlevée flanquent cinq paragraphes qu’ouvrent des textes liminaires sur fond gris, le rapport texte/image n’est jamais déséquilibré tandis que la subtilité du parti pris typographique parviendrait presque à faire oublier les notules biographiques, laconiques et candides, ainsi que la biographie tristement efflanquée. En d’autres termes, le graphisme délicat, confié au studio B49 de Mateo Baronnet, flirte avec l’irréprochable, à l’image de la photogravure – excellente. Un regret : certaines illustrations eussent gagné à voir leurs dimensions respectées dans un livre qui, par son format comme par son objet, exigeait ce scrupule visuel.
Refusant toute chronologie coercitive, l’auteur parvient à disséquer les nombreuses facettes d’une pratique éminemment kaléidoscopique, laquelle voit certains peintres expérimenter un outillage illusionniste (Alfons Mucha, George Hendrik Breitner), ausculter l’intime (Maurice Denis, Édouard Vuillard), pousser plus avant des dissections plastiques (Vassily Kandinsky, Ed Ruscha) ou réinvestir la matière même de la photographie, ses flous comme ses cadrages, ses ratés comme ses incertitudes (Gerhard Richter, Sigmar Polke).
La photographie ne saurait être strictement populaire ou triviale. Elle est l’auxiliaire de la peinture qui, en retour, la crédite de lettres de noblesse. Obsédés par le corps de l’œuvre et l’épaisseur du réel, les sculpteurs, parmi lesquels Antoine Bourdelle, Constantin Brâncusi ou Giuseppe Penone, furent les plus grands hérauts de la plaque de verre et de la pellicule. Les preuves sont nombreuses et parfois en souffrance : gageons qu'un second tome viendra poursuivre l'enquête.
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"Peintres photographes", de Michel Poivert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : "Peintres photographes", de Michel Poivert