Tout visage porte une énigme. Tout visage pose question.
Il se compose d’un ensemble d’éléments dont la mise en relation donne sens. C’est un masque pour celui qui le porte. Une transparence cryptée. Le théâtre de sa propre relation au monde, dont il peut tenter d’ajuster l’expression. C’est une image particulière pour celui qui le regarde. Un tableau codifié. L’impression extérieure des pensées d’un autre, de ses émotions et de ses intentions. Tout visage est un langage, et de notre aptitude à le déchiffrer découlent nos chances de survie en société depuis notre plus jeune âge, comme à chaque instant. Nous savons aussi, au moins depuis les études publiées en 2010 par Stanislas Dehaene, qu’à l’intérieur de notre cerveau, l’aire de reconnaissance de la forme des lettres et des mots se développe à l’apprentissage de la lecture, en partie en recouvrement de celle dédiée à la reconnaissance de la forme des visages, et que leurs fonctions de déchiffrement s’équilibrent en miroir entre les hémisphères droit et gauche. Tout texte porte une énigme. Tout texte pose question. Il se compose d’un ensemble d’éléments dont la mise en relation donne sens. Dès que nous en percevons les traits, les lettres nous regardent. Tout texte est un visage, et du déchiffrement de son sens, de la compréhension de son récit, de ses émotions, de ses intentions, découle en partie le rapport à notre environnement. Tout autour de nous, le tableau du monde qui nous entoure est chargé de signes. Au-delà de la beauté pure des formes, rien n’y est visible qui ne soit lisible. Nous codons le monde pour nous y reconnaître, le fantôme d’une familiarité, et c’est ainsi que nous le percevons. Les agencements de traits qui y sont trop étrangers à la forme de notre lecture sortent tout à fait de notre expérience du réel. Méconnaissable. En retour, ce qui nous est visible par la lecture révèle l’invisible. Avant le monde lui-même, dans l’ordre de nos perceptions, au commencement était le verbe. Au-delà du sens pur de la pensée que nous en recomposons, nous lui donnons sa forme. Nous imaginons son texte puis en formulons le tableau. Et au terme de notre composition, l’irruption de l’écrit dans l’art pictural se joue d’un retour des formes du langage sur les images que nous composons. Un retour du pouvoir créateur et sacré de la lettre, seule capable de déterminer la qualité de notre présence au monde à partir de notre capacité à en déchiffrer l’agencement des traits, le sens caché des expressions de son visage.
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Les traits de l’être dans le miroir d’une lettre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°762 du 1 mars 2023, avec le titre suivant : Les traits de l’être dans le miroir d’une lettre