« Iconophages », vous avez dit « iconophages » ? Comme c’est bizarre. Quelle drôle d’idée, en effet, que d’ingérer des images.
Pourtant, depuis sans doute la naissance de l’art et jusqu’à aujourd’hui, des hommes et des femmes ont le curieux désir de ne pas se contenter de contempler les images, mais… de les ingurgiter. Ils consomment ainsi hosties estampées, gaufres héraldiques, mets sculptés, mais aussi fresques, icônes, statues ou gravures… Et non seulement ils n’en meurent pas, mais semblent même parfois s’en porter mieux. Tel cet homme qui déverse une eau lustrale sur une statue couverte de hiéroglyphes pour recueillir un liquide chargé de la puissance des dieux et l’offrir à un malade. Telle cette femme qui découpe une estampe représentant une Vierge miraculeuse pour l’incorporer, afin que la mère de Dieu, désormais en elle, sauve l’enfant qu’elle ne parvient pas à mettre au monde. Ou encore cet Ézéchiel figuré dans une lettrine d’une bible latine du XIIe siècle, qu’on voit manger le Livre pour que celui-ci devienne sa chair et le transforme en retour.
À la fois érudit et accessible pour les bons lecteurs, l’essai de Jérémie Koering est publié dans la collection « Les Apparences » chez Actes Sud, dont le propos est de nous entraîner sur les chemins de traverse de l’art. Son but : éveiller les endormis que nous sommes parfois – ainsi La Peinture facétieuse de Francesca Alberti ouvrait nos yeux pour nous inviter à rire avec Corrège ou Tintoret.
Aux frontières entre l’art, la philosophie et la spiritualité, cette « histoire de l’ingestion des images » n’est donc pas seulement une enquête richement documentée qui se contenterait de retracer les pratiques iconophages depuis 6 000 ans : cet ouvrage illustré, fourmillant d’histoires, nous nourrit en explorant la dimension symbolique de l’acte de manger, et en interrogeant notre rapport au divin, comme la puissance de notre désir pour ce qui est beau et qui nous dépasse. À dévorer.
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Les Iconophages
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°744 du 1 juin 2021, avec le titre suivant : Les Iconophages