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Les collections éphémères du musée du Louvre

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 26 février 2024 - 409 mots

Au XIXe siècle, d’étonnants musées – chinois, algérien, maritime ou encore mexicain – occupaient le palais du Louvre. Pierre Singaravélou les exhume dans cet ouvrage érudit mais accessible.

OOn ne le dira jamais assez, le musée est un objet éminemment politique. à fortiori au XIXe siècle, moment où s’invente son modèle et où se délimitent durablement son rôle et ses ambitions. Miroir de la société, l’institution reflète la visée des intellectuels et des élites de son époque. Les desseins des décideurs du XIXe siècle étaient, on s’en doute, bien différents des préoccupations des chercheurs, conservateurs et muséologues d’aujourd’hui. Lorsqu’il est inauguré en 1793, le Muséum central des arts de la République, comme l’a baptisé la Révolution, occupe ainsi une portion congrue de l’immense palais du Louvre. Au fil des ans, et au gré des revirements politiques, il ne cesse de se métamorphoser et d’étendre ses espaces et ses prérogatives. Loin de se cantonner à un musée de peintures et de sculptures, l’institution se pare ainsi d’un chapelet de « sous-musées » qui ont depuis disparu. Qui imaginerait ainsi que ce temple de l’art classique a hébergé des musées chinois, algérien, maritime, et même mexicain ? Certaines entités ont été éphémères ; leurs collections ayant ensuite intégré d’autres maisons. À l’image du musée ethnographique, le tout premier au monde dévolu aux cultures extra-occidentales, dont les fonds ont été en grande partie versés au Musée de l’homme. D’autres musées se sont en revanche dissous dans des départements toujours existants à l’instar du musée espagnol dont nombre de chefs-d’œuvre rassemblés à l’instigation de Louis-Philippe figurent encore en bonne place sur les cimaises des galeries de peintures. Cette détonante hétérogénéité, tout comme le caractère transitoire de certaines expérimentations, par définition contraire à la vocation du musée qui est d’être pérenne, n’ont pas manqué de frapper les contemporains. Baudelaire, un habitué des lieux, avait même envisagé de rédiger un texte intitulé « Musées disparus, musées à créer ». Le chercheur Pierre Singaravélou, spécialiste de l’histoire de la mondialisation, reprend le flambeau du poète et s’attelle à documenter ces continents inconnus. Le cycle de conférences qu’il a consacrées à exhumer ces fantômes vient de paraître sous la forme d’un essai augmenté de documents passionnants. L’historien se focalise sur cinq sous-musées qui condensent les obsessions de leur époque, à commencer par la conquête coloniale et l’intense propagande royale et impériale. Malgré une grande érudition et une somme considérable d’archives, le texte se révèle agréable à lire et plutôt facile d’accès.

« Fantômes du Louvre. Les musées disparus du XIXe siècle », Pierre Singaravélou,
Louvre éditions et Hazan, 191 p., 29 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Les collections éphémères du musée du Louvre

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