Chaque jeudi, à 8 h 15 et 8 h 45, « Les Matins Jazz », l’émission de Laure Albernhe et Mathieu Beaudou, invitent L’Œil et Le Journal des Arts à parler d’art sur l’antenne de TSF Jazz. Le 13 février 2020, Fabien Simode, rédacteur en chef de L’Œil, revenait sur la vente de The Splash, du peintre David Hockney, chez Sotheby’s.
Chronique à réécouter ici dans son intégralité ou à lire ci-après :
Mardi soir, une piscine a été vendue à Londres pour 23 millions de livres, soit 27 millions d’euros. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une piscine lambda, mais d’une piscine peinte par David Hockney en 1966. Le titre de ce tableau : The Splash. Il appartient à une série de trois peintures intitulées : The Little Splash (le petit splash), The Splash et The Bigger Splash (le grand splash). Vous avez forcément vu un jour l’une de ces œuvres reproduites sur un poster ou une couverture de livre. Elles se découpent en trois plans : au premier plan, une piscine avec plongeoir ; au deuxième plan, une maison et des montagnes ; au troisième plan le ciel californien. Si aucun personnage n’est représenté, on devine toutefois que quelqu’un se baigne à la gerbe d’eau provoquée, au premier plan, par son plongeon, et qui explique ce titre : The Splash.
Mais comment expliquer qu’il ait été adjugé pour 27 millions d’euros…
Primo, il s’agit du chef-d’œuvre de David Hockney, le peintre britannique encore vivant le plus célèbre au monde. Certains se souviennent de sa rétrospective au Centre Pompidou en 2017. Secundo, c’est cette série qui a fixé dans l’imaginaire collectif l’image de la Californie avec sa piscine, sa maison contemporaine et son ciel bleu azur. Tertio, ce tableau figuratif est peint en 1966, en plein triomphe de l’art abstrait et de l’art minimaliste. Or, The Splash est une réponse ironique à l’abstraction et au minimalisme. Retirez, par exemple, l’éclaboussure d’eau et vous obtenez une succession d’aplats colorés – la piscine, le ciel… – dénués de sens et d’intérêt. Par ailleurs, comment ne pas voir dans l’éclaboussure une réponse moqueuse au dripping de Jackson Pollock qui reste, en 1966, l’icône absolue de la peinture abstraite. Mais ce n’est pas tout. David Hockney est un peintre homosexuel qui, dans les années 60, milite dans sa peinture pour la dépénalisation de l’homosexualité. À cette période, l’homosexualité, qui longtemps été passible de pendaison en Grande-Bretagne, fait encore l’objet de débats à la chambre des Lords. Ainsi, comment ne pas voir dans The Spash et son éclaboussure blanche de peinture, une évocation de l’orgasme masculin ?
Finalement, 27 millions d’euros, ce n’est pas cher payé pour un tel tableau…
Et c’est probablement une déception pour la maison de ventes Sotheby’s qui, si elle a enregistré le 3e plus haut prix pour l’artiste, n’a pas atteint son estimation haute : 35 millions d’euros. Il faut savoir par ailleurs qu’une autre piscine d’Hockney, plus tardive, avait été adjugée, à New York en 2018, 90 millions de dollars. Or, passer de 90 millions de dollars à 27 millions d’euros en deux ans, c’est bien plus qu’un plongeon : c’est une chute de la côte de David Hockney.
A écouter aussi la chronique sur l'annulation de la foire Art Basel Hong Kong ou à lire ci-après :
Après plusieurs semaines de tergiversation, Art Basel a finalement décidé d’annuler son édition à Hong Kong fin mars. C’est l’épidémie de Coronavirus, qui a fait plus de 1.000 morts en Chine, qui a eu raison de la Foire internationale d’art contemporain. C’est un coup dur supplémentaire porté à l’économie du territoire semi-autonome, après le mouvement de contestation de 2019. Et c’est un coup dur, aussi, pour le marché de l’art, Art Basel Hong Kong étant l’un des moments forts de l’année pour les galeries et les collectionneurs.
Une exposition possiblement annulée au Louvre pour des raisons diplomatiques. L’exposition « Arts et cultures en Bulgarie » a en effet déclenché l’ire du parti nationaliste bulgare. L’exposition prévue fin 2020 devait souligner l’influence de l’art ottoman sur l’art bulgare du XVI au XVIIIe siècle. Mais le parti nationaliste et l’église orthodoxe ont qualifié de « moquerie » et d'« injure » une exposition mettant en valeur « l'influence de l'islam sur la chrétienté ». Le gouvernement conservateur en place juge donc souhaitable l’annulation de cette exposition vue, je cite, « la position de l’église orthodoxe et les réactions de l'opinion publique. »
Quelle exposition nous conseillez-vous pour ce week-end ?
J’ai eu l’occasion de découvrir cette semaine l’exposition du jeune dessinateur Alexandre Léger organisée par le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne. Et non seulement j’ai découvert un dessinateur accompli et plein d’esprit, mais j’ai rencontré aussi un fan de jazz. Dans une vitrine de l’exposition, Alexandre Léger présente une série de petites gommes d’écolier qu’il a sculpté et dessiné pour représenter ses albums de jazz favoris : Lady in Satin de Billie Holiday, Libertango d’Astor Piazzolla mais aussi Monk, Weather Report, Sun-Ra… voilà pourquoi je vous recommande chaudement la visite de l’exposition d’Alexandre Léger à Saint-Étienne ce week-end.