POINT DE VUE. Le passage de CulturesFrance à France Culture semble avoir libéré la parole d’Olivier Poivre d’Arvor et changé son point de vue sur le rayonnement de la culture française. Début 2008, il répondait vertement à une « une » du Times qui s’interrogeait sur « La mort de la culture française ? » par un plaidoyer pro domo.
Aujourd’hui, il confesse avec courage que son opinion relevait d’une certaine « mauvaise foi » et « langue de bois » technocratique et reconnaît que la culture française est en passe de capituler face à l’hyperpuissance culturelle américaine. OPDA a pris conscience que la révolution numérique dominée par les USA leur confère une emprise encore plus grande sur la culture mondiale. Dans un livre « écrit dans la hâte », sous forme d’adresse au peuple américain, il résume beaucoup d’informations connues sur l’hégémonisme technologique américain, le recul du français, l’incapacité de l’Europe. C’est alerte, direct, bien documenté et désespérant.
La faute à qui ou à quoi ? Ici, le discours est moins précis, plus allusif. L’auteur, manifestement plus libre d’exprimer ses sympathies à gauche, reproche à une certaine élite technocratique ou intellectuelle (mais il n’y a pas de noms) de privilégier le patrimoine (par exemple la Maison de l’histoire de France) à la création contemporaine, voire d’aspirer confusément à une culture qui devrait rester élitiste. Bon, admettons, OPDA connaît bien les hauts fonctionnaires ou les conseillers ministériels et peut-être a-t-il raison.
Mais là où la démonstration s’essouffle un peu, c’est lorsqu’il s’agit d’avancer des propositions concrètes. À part l’exhortation classique à une renaissance « jacklanguienne » et à une mobilisation générale pour la culture, OPDA formule peu de solutions. C’est qu’il y a une contradiction dans le raisonnement : on ne peut pas tout attendre des pouvoirs publics. Après tout, Facebook, Google, Microsoft sont le fruit d’individus privés, pas de l’ État fédéral US. Même si le gouvernement américain subventionne largement et indirectement ses industries numériques à travers ses dépenses militaires.
Plutôt que de haranguer le peuple américain, il vaudrait mieux inciter nos jeunes à inventer les outils numériques de demain, pousser producteurs et réalisateurs à sortir des films français innovants, encourager les universités à imaginer des structures collaboratives sur le modèle Wikipédia. Mais il est plus difficile de s’indigner contre les siens.
Bug made in France ou l’histoire d’une capitulation culturelle, Gallimard, 142 p., 12 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le numérique et la fin de la culture française ?
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°633 du 1 mars 2011, avec le titre suivant : Le numérique et la fin de la culture française ?