L’œuvre de Miró décrypté par Raymond Queneau et celui de Hans Arp revisité par Rossi inaugurent la nouvelle collection des Éditions Virgile.
« Je ne fais aucune différence entre peinture et poésie », déclarait en 1939 Joan Miró. Cela n’aura pas échappé à Raymond Queneau, qui, entre 1948 et 1975, a rédigé différents textes sur ce « grand peintre » dont il admirait le langage poétique. Pour inaugurer une nouvelle collection
(« Carnet d’ateliers »), les Éditions Virgile publient un ensemble de ces écrits, dont un inédit : l’essai intitulé Que le peintre qui va sur le motif… Écrit en 1954 par Queneau pour le catalogue de la Biennale de Venise, il n’en restait qu’une ancienne copie quasiment illisible, qui a dû être complétée par la version italienne. Fasciné par l’« écriture » picturale de Miró, Queneau s’attache à décrypter les codes utilisés par l’artiste dans ses toiles et lithographies, étoiles, croissant de lune, cônes ou cœur, symboles chinois… Mais, comme le précise l’écrivain, « il ne faudrait pas voir en lui uniquement un créateur de graphisme. Si je me suis moi-même exercé à montrer quel profit on pouvait retirer de leur déchiffrement et de la résolution des “petites équations” (comme dit Leiris) qu’ils posent, jamais je n’ai voulu prétendre par là que la peinture de Miró se résignait aux deux dimensions et qu’elle se limitait à l’écriture ».
Queneau voit dans son œuvre une troisième, une quatrième et même une cinquième dimension introduite par ces « tâches colorées » et « pâtés sombres » apparus de façon « inexplicable », ce qu’André Breton attribuait à une sorte « d’empirisme providentiel ».
Le deuxième ouvrage de la collection « Carnet d’ateliers » est dévolu à Hans Arp. Poète, romancier, essayiste et critique d’art, Paul Louis Rossi, rompant avec les méthodes traditionnelles de l’histoire de l’art, s’est rendu sur les lieux fréquentés par Arp, entre Strasbourg et Clamart (Hauts-de-Seine), pour mieux cerner sa créativité. Il en ressort un portrait sensible et original, mettant en lumière la singularité de son œuvre. Citant Arp – « Nous ne voulons pas copier la nature. Nous ne voulons pas
reproduire » –, Paul Louis Rossi souligne la « véritable intelligence politique » d’un artiste s’attachant à « fixer l’art comme objectif moral et finalité dans son existence », à l’heure où le surréalisme est lui-même « tombé dans le piège de son idéologie ». En septembre, la collection s’enrichira de trois nouveaux ouvrages : Alechinsky par Yves Peyré, Manet par Mallarmé et Manifeste pour Yves Klein par Alain Jouffroy. De belles rencontres en perspective.
- Raymond Queneau, Joan Miró, ISBN 2-91448-126-8, Paul Louis Rossi, Hans Arp, ISBN 2-91448-147-0, Éditions Virgile, Besançon, coll. « Carnet d’ateliers », 64 p. et 12 euros chacun
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L’art par la poésie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°232 du 3 mars 2006, avec le titre suivant : L’art par la poésie