Cinéma

L’Art d’être heureux ou l’archétype de l’artiste raté

Par Adrien Gombeaud · L'ŒIL

Le 21 octobre 2024 - 370 mots

À côté des biopics d’artistes, les peintres fictifs irriguent le cinéma à l’image de celui incarné par Benoît Poelvoorde dans L’Art d’être heureux, en salles le 30 octobre.

Benoît Poelvoorde a toujours « défendu les cons ». C’est son expression. Au cours de sa carrière, on lui a offert les personnages les plus pontifiants, les plus minables, voire les plus cruels que le cinéma puisse inventer. Et, à chaque fois, en bon avocat, il leur a trouvé des circonstances atténuantes. Après les assassins, les pères indignes et les petits chefs en tout genre, L’Art d’être heureux de Stefan Liberski ajoute à sa galerie la figure de l’artiste raté. Jean-Yves Machond est un peintre qui déborde d’idées complexes sur une œuvre qu’il n’a pas produite. Ainsi a-t-il trouvé plein de réponses intelligentes à des questions que les journalistes lui poseraient certainement, s’ils avaient une raison quelconque de le rencontrer. En panne d’inspiration depuis ses débuts, il part s’installer en Normandie, dans une maison en forme de station orbitale posée sur les falaises. Contre toute attente, Machond est bien accueilli par la petite communauté d’artistes locaux, y compris par la séduisante galeriste jouée par Camille Cottin. Le cinéma met régulièrement en scène la souffrance de l’artiste talentueux. On a filmé Vincent Van Gogh, Jackson Pollock, Camille Claudel… Mais la souffrance de l’artiste sans talent n’est-elle pas plus grande et plus touchante encore ? Comme ne l’indique pas le titre, Jean-Yves Machond est fondamentalement malheureux. Et c’est cette tristesse, cette faille que Benoît Poelvoorde creuse pour rendre son humanité à son odieux personnage. Si on le voit parfois peindre, rien n’indique qu’il trouve dans son activité un quelconque plaisir. Jean-Yves Machond peint dans l’idée d’avoir peint, habité par l’espoir d’être exposé, vu et bien sûr admiré. D’où ses tirades sur les concepts qui l’obsèdent et une logorrhée qui entoure des œuvres qu’il ne produit pas. Stefan Liberski a la bonne idée de ponctuer sa petite comédie de grandes toiles inspirées des paysages de la région. Voici un Claude Monet, voilà un Eugène Boudin… En quelques secondes s’impose une évidence. Le ciel, la mer, un oiseau, des couleurs et des formes qui se passent de commentaire. Un regard très pur. Quelque chose de l’art d’être heureux.

À savoir
Stefan Liberski s’est librement inspiré du roman « La Dilution de l’artiste, » roman de Jean-Philippe Delhomme (Denoël, 2001). Jean-Philippe Delhomme, illustrateur et chroniqueur, a longtemps travaillé pour le « New Yorker, » entre autres magazines. Également peintre, il n’a commencé à exposer qu’en 2017.
À VOIR
« L’Art d’être heureux », de Stefan Liberski
avec Benoît Poelvoorde, Camille Cottin, François Damiens, 1 h 50, sortie le 30 octobre.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : L’Art d’être heureux ou l’archétype de l’artiste raté

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