Penseur de l’économie et de la société, François Rachline a émaillé sa bibliographie d’ouvrages, essais ou romans, à travers lesquels il s’interroge sur les origines et la valeur de l’argent.
Avec Coupures, c’est sous cet angle également qu’il aborde le monde des arts, et sous le biais original de sa facette la plus pulsionnelle et la plus révélatrice, l’Art brut : l’art des fous. Le lien se synthétise autour de la personnalité d’Else Blankenhorn, de ses œuvres produites après son internement pour démence précoce, et de l’enquête d’une jeune femme d’aujourd’hui qui tente de rassembler toutes les pièces du puzzle de sa vie et de retracer son histoire. Un dialogue intime tissé à travers les mailles du temps naît entre ces deux femmes que tout oppose et révèle en lui-même une quête de sens et d’identité qui transcende les folies du siècle d’histoire qui les sépare. Durant ses années d’internement, Else Blankenhorn a peint des coupures de billets de banque aux sommes astronomiques, valeur numérale et poétique de son œuvre, qui devint inspiratrice de certains des plus grands peintres du XXe siècle. Expression sensible et brutale de la folie qu’il y a à donner toute valeur financière à l’argent. Préfiguration des pressions absurdes qui conduisirent quelques années plus tard, dans l’Allemagne de Weimar, à une inflation monétaire sans aucune mesure et qui firent entrer pour la première fois la folie et la brutalité dans les échanges les plus simples de tous les jours de toute une nation. La folie de l’art, elle, est celle de créer. Et la forme de génie créatif qui s’inscrit en rupture avec la logique, la linéarité et le concevable qui le précédaient, pourrait définir l’art, tout comme l’histoire du XXe siècle. Cependant, on peut regretter que le point de vue de Rachline n’aille fermer la boucle en se questionnant plus loin sur les rapports entre art et argent. Le propos ne rejoint pas une certaine folie du marché de l’art qui, en enchères exorbitantes, transmute certains génies artistiques en ingénieux placements. Les coupures d’Else Blankenhorn témoignent des paradoxes qui firent notre temps. Le roman de Rachline laisse ces questions en suspens. La liberté créatrice de l’art ne se retrouverait-elle désormais que dans une certaine folie humaine que la raison de l’argent, dans la société des hommes, ignorerait ?
Coupures,
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L’art des gens et de l’argent
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°713 du 1 juin 2018, avec le titre suivant : L’art des gens et de l’argent