André Malraux, Claude Parent et Jean Nouvel, trois approches du bâti.
Malraux, Parent, Nouvel, trois « figures », c’est bien le moins que l’on puisse en dire. Qu’est-ce qui les unit, hormis trois livres récemment parus et qui tentent d’en faire le tour ? Une certaine forme de dandysme pour les deux premiers, Malraux et Parent. Des liens indéfectibles pour les deux suivants, Parent et Nouvel (ce dernier ayant fait ses classes chez Parent). Et, chez les trois, un sens aigu de la création, de l’invention, de la poésie, une revendication affirmée à l’autonomie, l’identité et la différence.
André Malraux et l’architecture, ouvrage collectif sous la direction de Dominique Hervier, fait le point de façon savante et documentée, sur la politique de l’architecture et du patrimoine initiée par l’écrivain-ministre au début de la Ve République. Avec en points nodaux l’aventure des Maisons de la Culture et le fameux discours prononcé en hommage à Le Corbusier le 1er septembre 1965. Discours enflammé et incantatoire marquant plus l’admiration de l’écrivain pour le créateur qu’une véritable empathie pour l’architecture même si, en 1959, Malraux déclarait : « Il s’agit, en mettant l’architecture au service de la nation, de lui rendre une part de son âme qu’elle avait perdue… »
Autre créateur, Claude Parent, pourtant déjà contemporain de Malraux ne fut pas « repéré » par le ministre-écrivain. Le portrait qu’en livre Béatrice Simonot dans Le Fou de la diagonale ne manque pas d’intérêt même s’il commence beaucoup mieux qu’il ne s’enchaîne. Mais, figurent, au fil des pages du livre, images et photos, anecdotes et digressions qui donnent très justement la nature de l’homme, de ses passions, de ses goûts, bref de tout ce dont il se nourrit pour accomplir son œuvre. Un exercice généralement honni par les « professionnels de la profession » et qui pourtant éclaire plus et mieux qu’un habituel traité technique.
Enfin, une leçon de choses avec Jean Nouvel critiques de François Chaslin. Soit 28 ans de critiques, d’analyses, d’observations, de publications diverses, réunies au sein d’un seul volume. Traversée passionnante d’une double œuvre, d’une double écriture : Nouvel/Chaslin, Chaslin/Nouvel. Au fil du temps, le regard de Chaslin se modifie, tantôt admiratif, tantôt analytique, tantôt agacé. Parfois anecdotique, parfois olympien, parfois engagé, parfois lointain… Variations des avis, des humeurs, des enthousiasmes et des déceptions, même si c’est Chaslin qui s’exprime, se déroule là un véritable dialogue, tant la voix de Nouvel semble surgir entre les lignes. Parfois même, on imagine, en souriant, une archétypale relation amour/haine. Le tout servi par une écriture limpide, cultivée, précise et pourtant aérienne. Comme le dit joliment Chaslin, il convient de prendre en compte le « caractère érectile des mots ». Une réussite.
André Malraux et l’architecture, ouvrage collectif, éditions du Moniteur, 293 pages accompagnées d’un CD, 29 euros, ISBN 78-2-281-19393-0.
Béatrice Simonot, Le Fou de la diagonale, éditions Actes Sud, 224 pages, 30 euros, ISBN 978-2-7427-7861-4.
François Chaslin, Jean Nouvel critiques, Collection Archigraphy, éditions Infolio, 270 pages, 23 euros, ISBN 978-2-88474-093-7.
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L’Architecture écrite
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : L’Architecture écrite