Depuis une quinzaine d’années, les éditions Diane de Selliers marient de grands textes de la littérature à des œuvres artistiques qui leur font écho, donnant naissance à des ouvrages pour lesquels le qualificatif de « beaux livres » est probant.
Dernièrement, la maison d’édition a jeté son dévolu sur l’Énéide (Ier siècle av. J.-C.) de Virgile. Le texte du poète latin sur l’histoire d’Énée et la fondation de Rome est mis en correspondance avec des fresques et mosaïques romaines antiques, parmi lesquelles quelques rares illustrations directes de ce long poème. « Il était temps d’offrir une lecture de l’Énéide illustrée […], car si le texte est immortel, les œuvres ne le sont pas », explique en préambule Diane de Selliers rappelant la fragilité de ces créations et la difficulté de les conserver. Nombre d’œuvres portent en effet les marques du temps, à l’image de ces guerriers peints sur le sarcophage des amazones de Tarquinia (conservé au Musée archéologique de Florence), dont certains éléments ne sont plus visibles. L’éditrice a choisi la traduction en alexandrins libres de Marc Chouet (publiée pour la première fois en 1985), tandis qu’un second volume propose la version originale latine. Après l’Iliade et l’Odyssée d’Homère (illustrés par l’artiste Mimmo Paladino en 2001), les éditions Diane de Selliers donnent un nouveau souffle à un grand classique de la littérature antique.
Dans le projet initié peu après la guerre par René Char et Albert Camus, le texte, lui, se fait révélateur d’images. « La Postérité du soleil naquit de la rencontre d’une jeune photographe, Henriette Grindat, du plaisir que Camus prenait de plus en plus à parcourir ce pays, et de mon désir, quand je vis les premières photographies d’Henriette Grindat, d’obtenir des images, des portraits, des paysages du Vaucluse qui différeraient des photographies cartes postales ou des documents de pure recherche que leur maniérisme involontaire exile aussitôt. » Impressionné par les prises de vue de la jeune photographe suisse, René Char les soumet à Camus (avec lequel il cultive une passion commune pour le Luberon) pour en réaliser un ouvrage à quatre mains. Les textes de l’écrivain sonnaient si justes qu’il apparut « inutile » au poète de s’y « ajouter » – il se contenta d’en écrire le poème d’introduction et la postface. L’année 2010 marquant le cinquantenaire de la mort de Camus, la maison Gallimard réédite dans sa collection « Blanche » l’ouvrage paru à titre posthume en 1965 chez le galeriste et éditeur suisse Edwin Engleberts. Tantôt franches, tantôt secrètes, les élégantes images en noir et blanc d’Henriette Grindat donnent à la nature une profondeur mystique, tandis que les « fragments poétiques » de Camus leur donnent la parole autant qu’ils les animent. Un livre d’amitié entre deux auteurs, et d’harmonie entre le mot et l’image.
- Virgile, Énéide, illustrée par les fresques et les mosaïques antiques, éditions Diane de Selliers, 2009, deux volumes (386 p. et 120 p.), 210 euros (180 euros jusqu’au 31 janvier 2010), ISBN 978-2-9036-5658-4
- Albert Camus, La Postérité du soleil, éditions Gallimard, Paris, coll. NRF, 2009 (réédition 1965), 336 p., 22,50 euros, ISBN 978-2-0701-2778-8
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La nouvelle jeunesse de Virgile et d'Albert Camus
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°315 du 11 décembre 2009, avec le titre suivant : La nouvelle jeunesse de Virgile et d'Albert Camus