Qu’ont en commun Charles Gounod, Gérard de Nerval, Guy de Maupassant et Théo Van Gogh, mis à part le fait d’avoir illustré de leur célébrité le XIXe siècle ? Leurs séjours dans la « Maison du docteur Blanche », célèbre asile d’aliénés du siècle romantique et refuge ultime de nombreux créateurs angoissés. En 1821, le docteur Esprit Blanche ouvre à Montmartre une maison de fous qui ressemble davantage à une pension de famille. L’institution déménagera en 1846 à Passy, dans l’hôtel de Lamballe, reprise en 1852 par Emile Blanche, fils d’Esprit et dernier médecin d’une grande lignée. Les méthodes ne changeront pas : les patients sont appelés à vivre en famille avec le directeur et les siens, pour la plupart libres de leurs mouvements dans les limites d’un parc de cinq hectares. Nerval qualifiera cette tragique Thébaïde de « villa fashionable et même aristocratique ». Le récit des vacances de Jacques-Emile Blanche, fils du directeur et peintre mondain, à Dieppe, entouré de Degas, Monet, Renoir, Whistler est un merveilleux passage ensoleillé du livre, tout comme les irrésistibles remarques du jeune Proust en visite chez son camarade. En vérité, ce sont les coulisses du XIXe siècle dont Laure Murat entreprend ici l’inventaire, une visite qui aboutit à un constat mélancolique : le prix à payer fut énorme pour que les idéaux esthétiques s’expriment dans un siècle corseté par la morale positiviste bourgeoise. La santé mentale de certains n’y résista pas. Tel Nerval qui vivait sa poésie comme la seule vérité possible et qui se heurta cruellement à l’appareil normatif de la bourgeoisie. Après tout, le XXe siècle finissant n’aurait peut-être fait que lui administrer du Prozac.
- Laure Murat, La Maison du docteur Blanche, éd. J.-C. Lattès, 380 p., 129 F.
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La Maison du docteur Blanche
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°527 du 1 juin 2001, avec le titre suivant : La Maison du docteur Blanche