Livre

La leçon de vie de Thomas Schlesser

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 12 avril 2024 - 432 mots

Caracolant en tête des ventes, ce récit initiatique bien huilé tourne pourtant à vide et finit par lasser.

Thomas Schlesser. © Roberto Frankenberg
Thomas Schlesser.
© Roberto Frankenberg

À moins de ne pas avoir allumé votre téléviseur, fréquenté une librairie, écouté la radio ou ouvert un journal depuis deux mois, impossible d’être passé à côté du phénomène littéraire de 2024. C’est bien simple, ce livre est partout et s’est hissé en quelques semaines en tête des meilleures ventes.

Son charismatique auteur est également sur tous les fronts, menant une promotion d’une ampleur jamais vue pour un livre d’art. Il faut dire que l’ouvrage débarque en France auréolé d’un succès tonitruant puisque les droits ont été achetés aux quatre coins de la planète, des États-Unis au Japon en passant par nos voisins italiens et allemands. Si on ne peut que se réjouir de cet appétit pour la peinture, on peut toutefois s’étonner de l’unanimisme suscité par un roman de près de 500 pages qui tourne rapidement à vide. Le récit repose en effet sur une construction pour le moins répétitive. Composé de cinquante-deux chapitres correspondant à autant de chefs-d’œuvre, il distille à chaque épisode une leçon de vie autant qu’un cours d’histoire de l’art.

Thomas Schlesser, Les yeux de Mona © Albin Michel
Thomas Schlesser, Les yeux de Mona.
© Albin Michel

Cinquante-deux, c’est le chiffre clef, puisqu’il reste un an à la petite Mona avant de perdre la vue à la suite d’un problème de santé. Son grand-père adoré, ne pouvant se résoudre à ce qu’elle ne garde imprimées dans sa mémoire que des images reflétant la laideur du monde, décide de l’emmener chaque mercredi au musée. Ensemble, ils iront au Louvre, à Orsay puis à Beaubourg tandis que ses parents pensent que l’aïeul la conduit chez le pédopsychiatre. De ces visites secrètes, qui s’égrènent de Botticelli à Soulages, va naître un récit initiatique à la manière des Mille et Une Nuits. Chaque visite au musée est ainsi prétexte à une nouvelle histoire, un conte philosophique.

Si les premières excursions se lisent sans déplaisir et avec une certaine curiosité, la mécanique prend au bout que quelques chapitres seulement un caractère franchement lassant. D’autant qu’il est bien difficile de croire sérieusement à la prétendue maturité d’une fillette qui est d’une patience d’ange, capable par exemple de regarder en silence une toile de Gainsborough durant un quart d’heure ! Et qui ne prend ensuite la parole que pour nous gratifier d’analyses d’œuvres et de saillies dignes d’une thésarde. « Un vrai artiste cherche à surprendre, à faire quelque chose de nouveau. Et cela demande énormément de travail ». La vérité sort de la bouche des enfants paraît-il. On n’en connaît pas, en tout cas, qui parle et pense comme le petit prodige qu’est Mona.

« Les yeux de Mona, »
Thomas Schlesser, Albin Michel, 485 p., 22,90 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°774 du 1 avril 2024, avec le titre suivant : La leçon de vie de Thomas Schlesser

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