C’est un livre étrange que ce Picasso et Dora de James Lord. En le lisant, on éprouve le plaisir délicieux et suspect que procurent les témoignages où apparaissent inopinément, avec un naturel confondant, de grandes figures que l’on croyait mythiques : ici Balthus souverain dans les solitudes de Chassy, ou Jacques Lacan découvrant à son visiteur (assez peu ému) L’Origine du monde ; là Cocteau agacé de n’être pas à la tribune d’honneur lors d’une inauguration à Vallauris, ou Matisse alité, cérémonieux et précis ; ailleurs Chagall, Giacometti, Nicolas de Staël… et bien sûr Picasso, divinité tutélaire aux décrets imprévisibles.
Mais si le quotidien des jours paraît agréablement rehaussé de ces présences, on n’apprend rien de ce qui importe, les œuvres, auxquelles James Lord ne s’attarde pas. Il raconte une histoire qu’on ne saurait dire d’amour ou d’amitié, entre lui et Dora Maar, une longue histoire où le désir circule mais ne s’accomplit pas, moins exclu par l’homosexualité de l’homme que confisqué à la femme, dirait-on, par la grande ombre de l’Amant enfui. Et c’est ainsi le portrait d’une femme acceptant une orgueilleuse solitude "imposée" qui se dessine dans ce livre lequel, autrement, aurait pu s’intituler, à la manière d’un roman, James et Dora.
James Lord, Picasso et Dora , éditions Séguier, 448 pages, 150 F, ISBN 2-84049-154-0
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La grande ombre de Picasso
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : La grande ombre de Picasso