Tout semblait le prédestiner à un avenir frauduleux. Né en 1948 dans une maison close, Guy Ribes fait ses armes dans un atelier de soierie lyonnais.
Repéré par un marchand de tableaux célèbre, il commence à peindre, sur commande, à la manière des grands maîtres. Ses travaux trompent experts et héritiers, dont la petite fille de Marc Chagall. Ivre d’argent et de gloire, le faussaire finit par vendre lui-même ses toiles. Une initiative qui lui vaut d’être arrêté. Fier de son parcours, il le raconte aujourd’hui dans une (auto)biographie que cosigne le documentariste Jean-Baptiste Péretié.
Comment est né le projet ?
Jean-Baptiste Péretié : D’une rencontre. J’ai contacté Guy Ribes lors de son procès, en 2010. Nous avons enregistré un documentaire pour France Culture, mais je me suis tout de suite dit qu’il y avait beaucoup plus qu’une émission de radio à faire.
Pourquoi un ouvrage à quatre mains et non une biographie ?
J.-B. P. : Je pense que le côté témoignage était crucial. Guy raconte toujours sa vie de manière plus poétique que chronologique. De même, quand il peint : il ne fait pas des copies bêtes et méchantes, il prolonge l’œuvre de peintres qu’il aime. Qu’une toile soit vraie ou fausse importe peu. Qu’est-ce qui nous émeut, au fond, la toile en elle-même, pour elle-même ou bien le nom qui lui est rattaché ? Faire un faux en soi n’a rien de grave. C’est le business autour, le problème.
Guy Ribes : En somme, ce qui va intéresser les gens, c’est pourquoi et comment on devient faussaire.
Pourquoi justement ?
G. R. : Pour l’argent.
J.-B. P. : Non négligeable, quand on connaît l’enfance de Guy. Je suis pour autant convaincu qu’il cherche autre chose…
G. R. : Si je ne peins pas, je crève. Je commence à 5h du matin jusque très tard dans la nuit.
J.-B. P. : Guy est un autodidacte. À un moment, il a eu une telle soif d’apprendre, de créer, qu’il n’a plus voulu perdre une seconde.
Suffit-il toutefois de parcourir un ouvrage, quel qu’il soit, pour pouvoir se glisser dans la peau d’un peintre ?
G. R. : Chaque artiste est unique en ce qu’il crée, et non en ce qui le pousse à créer.
J.-B. P. : Autrement dit, il faut parvenir à se détacher de ses lectures pour retrouver une certaine spontanéité, et « être le peintre ». D’après Picasso, on commence à imiter les maîtres et, parce qu’on n’y arrive pas, on développe sa propre peinture. L’ennui avec Guy, c’est qu’il est tellement bon dans cet exercice, qu’il en a oublié de développer son style.
Avez-vous fini par le trouver ?
G. R. : Oui, mais ma peinture ne se vend pas. C’est pourquoi je prépare une exposition « Ribes, le faussaire ».
J.-B. P. : Le monde de l’art a des codes, des règles bien précis. Guy est hors codes, hors règles. C’est le Robin des bois de la peinture.
D’ailleurs, la fin du livre n’oppose-t-elle pas l’ingratitude des marchands qui vous exploitaient et la reconnaissance du public ?
G. R. : En France, un faussaire est un escroc, rien de plus. À moins de devenir, comme moi, un personnage populaire. D’où les propositions de documentaires, de fictions…
Vous avez prêté vos talents au film Renoir, de Gilles Bourdos. Avez-vous d’autres projets en cours ?
G. R. : Un film sur Gauguin ; un autre, sur Picasso, ainsi qu’un documentaire sur les six mois précédant mon arrestation. Quant à Renoir, je purgeais encore ma peine, lors du tournage. Le procureur m’a néanmoins autorisé à faire ce pourquoi il m’avait condamné ! Non des copies, mais des toiles « à la manière de ».
J.-B. P. : C’est tout de même troublant de se dire que dans vingt, trente ans, ces œuvres seront peut-être vendues comme des Renoir.
Des regrets ?
G. R. : Si c’était à refaire, je le referais. J’ai vécu un rêve avant de tomber dans cet engrenage commercial. Cela dit, avec les nouvelles technologies, je n’aurais sûrement pas la même liberté qu’avant. C’était vraiment magique.
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Guy Ribes, peintre, témoigne de son passé de faussaire
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Abonnez-vous dès 1 €Guy Ribes avec Jean-Baptiste Péretié, Autoportrait d’un faussaire, Presses de la cité, 233 p, 19 €.
Légendes photos
Portrait de Guy Ribes. © Annabelle Lisbona.
Couverture du livre Autoportrait d’un faussaire
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Guy Ribes, peintre, témoigne de son passé de faussaire