À travers la figure de l’architecte se dessine l’histoire de la conservation des Monuments historiques.
Eugène Viollet-le-Duc continue de fasciner et de diviser les amateurs d’architecture et les restaurateurs. À l’approche du bicentenaire de sa naissance, les Éditions du patrimoine ont confié sa monographie à Françoise Bercé, conservateur général honoraire du patrimoine, spécialiste des Monuments historiques.
Au travers de ses écrits, ses croquis et dessins, sa correspondance, l’auteure dresse le portrait d’une personnalité contrastée. Viollet-le-Duc (1814-1879) a un parcours hors du commun pour son époque : refusant de suivre l’enseignement des Beaux-Arts, se défiant de l’Académie de France à Rome, sa formation est déjà iconoclaste. Nourri de ses voyages en France et en Italie, qu’il croque frénétiquement, il devient le protégé de Prosper Mérimée qui lui offre son premier grand chantier : la restauration de la Madeleine de Vézelay en 1840. Très vite, l’architecte devient indispensable à la Commission des monuments historiques : les travaux ne manquent pas, entre les saccages de la Révolution et l’usure du temps, et le jeune architecte publie très tôt ses résultats et ses découvertes archéologiques dans les revues spécialisées. Sans doute ces articles ont-ils contribué à forger l’image d’un homme assuré et déterminé : cette assurance est tempérée dans l’ouvrage par les extraits de sa correspondance avec Mérimée, que Françoise Bercé a édités. L’iconographie très riche révèle un dessinateur acharné et non dénué de talent, qui doute et conçoit pour chaque chantier un programme unique.
Pour Notre-Dame de Paris, entre 1844 et 1846, Viollet-le-duc repeuple l’édifice de gargouilles, pour la basilique Saint-Sernin de Toulouse, il redessine l’élévation, s’éloignant du style roman d’origine. À Carcassonne, il choisit le spectaculaire en proposant de restituer, contre toute trace archéologique, des toitures en ardoise : frapper l’opinion est important pour mener à bien certains chantiers. C’est au Château de Pierrefonds, une ruine que Napoléon III décide de relever, que l’architecte peut enfin réaliser totalement une œuvre : il ressuscite une demeure royale du XVe siècle, du sol au plafond, des cheminées au mobilier. Dans les décors peints et sculptés, l’impératrice Eugénie devient Sémiramis, la reine de Babylone. Pierrefonds est le symbole d’un historicisme flamboyant, dédié à la couleur et à la sculpture.
Cette monographie revient également sur les grandes batailles du siècle en termes d’architecture : Viollet-le-Duc, grand défenseur du style gothique, se voit dès ses débuts attaqué par les partisans du « classicisme ». À travers lui, l’auteur dessine une historiographie complexe et passionnante des Monuments historiques. Ces polémiques ne disparaîtront pas à sa mort, en 1879, ni au siècle suivant : si Carcassonne est aujourd’hui classée, la basilique Saint-Sernin s’est dévêtue des ajouts de l’architecte dans les années 1990.
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Françoise Bercé, Viollet-le-Duc
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Abonnez-vous dès 1 €2013, Collection « Monographies d’architectes », Éditions du patrimoine, 224 pages, 45 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : Françoise Bercé, <em>Viollet-le-Duc</em>