Lit-on un tableau comme on lit au fond de soi ? Et comment la matière, les couleurs, les traits qui font le travail de l’artiste s’imprègnent-ils dans le cœur du spectateur ?
De nombreux écrivains se sont attachés à décrire l’effet que produit en eux la contemplation des tableaux des maîtres qu’ils admirent. Jean Genet romance les coups de pinceau de Rembrandt, comme autant de coups de scalpel cruels qui rendraient visible la réalité charnelle du monde. « C’est là. Éclatant. Évidemment d’une évidence qui crève le voile du pittoresque » [Jean Genet, Rembrandt, « L’Arbalète », Gallimard, 80 p., 12 €]. Et sous la peau de la toile ainsi dépouillée de ses artifices se détaillent toutes les fonctions vitales de la peinture, la présence du modèle, la conscience et le parcours du peintre. Au sujet d’Odilon Redon, Francis Jammes s’attache à retracer sa rencontre personnelle avec un homme et un mystère [Odilon Redon botaniste, « L’Éveilleur », 76 p., 15 €], là où Robert Coustet retrace le passage presque mystique de ses dessins du noir à la couleur et, sous le nom collectif Marius-Ary Leblond, Georges Athénas et Aimé Merlo de dépeindre leur émerveillement sensible au retentissement de la lumière dans ses œuvres. Pour Fantin-Latour, ce ne sont pas moins de douze auteurs qui expriment leur admiration et qui s’attardent à mettre en scène le temps, qui se suspend, qui marque et se reprend dans les détours de sa peinture. « Si je me préoccupe de cette question de durée […], c’est que l’artiste dont il s’agit est loin de s’en désintéresser » [Fantin-Latour par ses contemporains, Les Éditions de Paris, Max Chaleil, 136 p., 15 €]. Tous semblent vouloir dépeindre le peintre à son atelier, saisir sa créativité et raconter, comme vus de l’intérieur, les méandres de son intimité. Ils tentent alors de dire, dans un verbe où transpire la musicalité de leur style et de leur univers personnel, toute la puissance d’un indescriptible impact. Souvent, la temporalité de leurs textes monte à l’assaut de l’immédiateté et des fulgurances du regard. Toujours, face à l’œuvre, en effet miroir, c’est un pan de leur âme qui s’y dévoile.
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Écrire la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°699 du 1 mars 2017, avec le titre suivant : Écrire la peinture