L’annonce d’une grande exposition Charlotte Perriand à la Fondation Louis Vuitton a surpris plus d’un commentateur.
Entre les collections Chtchoukine en 2017 et Morozov en octobre 2020, insérer dans la programmation de la jeune institution une rétrospective de l’architecte et designer n’allait pas de soi pour tout le monde, à commencer par ses organisateurs. Cela se comprend dès la première phrase du catalogue, dans une introduction qui a valeur de plaidoyer : « La légitimité d’une manifestation consacrée ici à Charlotte Perriand se fonde sur la permanence de son actualité et sa façon d’avoir été – et de rester – si évidemment contemporaine. » Que Charlotte Perriand fut « contemporaine » de son temps ne fait aucun doute, par son mobilier, ses engagements politiques et son approche d’un espace « sans hiérarchie et modulable pour une société où l’horizontalité triompherait de verticalités contraignantes », écrit Suzanne Pagé, directrice artistique de la fondation. Pourtant, vingt ans après la disparition de Perriand, en octobre 1999, que reste-t-il de sa contemporanéité ? Demeure une féminité avant-gardiste très en phase avec les revendications actuelles. Car, avec Perriand, « c’est bien d’une révolution qu’il s’agit. Une révolution esthétique certes, mais également mentale, psychique et sexuelle », explique Laure Adler dans son très touchant Charlotte Perriand. Que la journaliste et productrice, spécialiste du féminisme, prenne la plume sur la designer est d’ailleurs un signe de la résonance de Perriand. Charlotte Perriand n’était pas à proprement dit féministe, mais « tout chez elle [renvoyait] à un engagement féministe non dit », écrit Suzanne Pagé. Et c’est ce « non-dit » qui la rend très actuelle. Les noms de Simone de Beauvoir et de Simone Weil n’apparaissent d’ailleurs que dans le dernier tiers du livre de Laure Adler, qui leur préfère ceux d’Eileen Gray, Sonia Delaunay et Rose Adler dès les premières lignes. Les premières étaient philosophes et féministes, quand les secondes étaient « des femmes mues par l’énergie de leur génération qui venait de conquérir de nouveaux droits ». N’être plus poupée ou potiche, « mais garçonnes et fières de l’être », écrit Adler. Bref, souligne Pagé, une femme « intrépide, libre, courageuse, indépendante, sportive, […] curieuse de tout, gourmande de tout ». Cette liberté inoculée par sa mère, « elle l’avait prise à bras-le-corps, dans une société très patriarcarle, qui ne reconnaissait aux femmes aucun droit », sauf celui de broder des coussins, rappelle l’historienne Michelle Perrot dans sa préface au dernier tome de l’œuvre complète de Perriand. Charlotte Perriand ne brodait pas, mais faisait ce qu’elle voulait, comme porter autour du cou un roulement à billes de cuivre chromé. Pour Suzanne Pagé, c’est ainsi que l’on devient « le symbole même de la femme décidément et définitivement contemporaine ». « Notre contemporaine », conclut Michelle Perrot.
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Charlotte, notre contemporaine
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Charlotte, notre contemporaine