La plupart des éditeurs le répètent volontiers : les ouvrages consacrés à la sculpture trouvent généralement assez peu de lecteurs. Ce n’est pas encore une loi du marketing, mais force est de constater que les éditeurs ne se sont pas précipités pour offrir une alternative au catalogue Brancusi.
Une exposition aussi rare et prestigieuse que la rétrospective Constantin Brancusi, présentée actuellement au Centre Pompidou, aurait dû susciter de nombreux ouvrages – la politique des éditeurs consistant le plus souvent à coller au plus près de l’actualité. Il n’en est pourtant rien, et, en plus de l’étude spécifique consacrée au statut juridique de la sculpture moderne (lire ci-dessous l’article de Jean-Marie Schmitt), peu de livres sont consacrés à l’œuvre.
Encore faudra-t-il s’attendre à une cuisante déception à la lecture du texte que lui consacra en 1983 Pontus Hulten, ci-devant directeur du Musée national d’art moderne et actuel directeur du Kunst-und-Ausstellungshalle de Bonn. Simultanément publié en deux versions, et augmenté d’un parcours biographique dû aux légataires universels de l’artiste, la réflexion qui y est sous-développée ne bouleversera pas le destin de Brancusi.
Style parlé et embarrassé
Les considérations habituelles sur le socle, l’atelier, la photographie et les projets monumentaux ne manquent évidemment pas, non plus que l’évocation des antécédents esthétiques ou de brefs aperçus sur le contexte de l’époque. Ne manquent pas non plus d’audacieux parallèles entre Schwitters et Brancusi par exemple, qui cependant, faute d’être sérieusement argumentés, restent incongrus. Les commentaires laudateurs abondent, tout comme les clichés sur la modernité et les approximations historiques.
"Il y a, peut-on ainsi lire, une continuation de la tradition dans l’art de Brancusi qui l’apparente à l’œuvre (sic) d’artistes tels que Piero della Francesca, Vermeer ou Seurat ; l’utilisation de formes universelles." La personnalité de l’auteur et le prestige de sa signature ne peuvent faire oublier le style parlé et embarrassé de cet "essai". On se permettra donc de recommander la version grand format, où les planches sont plus grandes et plus nombreuses.
En quatorze pages, il est difficile de mener une analyse approfondie. S’agissant des relations capitales que Brancusi entretint avec la photographie, la courte présentation à Constantin Brancusi photographe d’Elizabeth A. Brown, conservateur au musée de l’université de Santa Barbara, ne délivre que quelques indications. Les documents, parfaitement reproduits, ne sont pas inédits, mais leur qualité exceptionnelle méritait évidemment un tel recueil. Serge Fauchereau, lui, a choisi un parti pris original consistant à arpenter les lieux où vécut et œuvra le sculpteur.
À la fois carnet de route et essai, le texte tente de rompre avec les lieux communs et les idées mal reçues qui circulent sur l’homme et ses travaux. Signalons encore, aux mêmes éditions du Cercle d’Art, un volume anonyme de la collection "Découvrons l’art du XXe siècle". On se reportera avantageusement au catalogue dirigé par Margit Rowell, avec des contributions d’Ann Temkin et de Friedrich Teja Bach, qui rassemble une importante documentation accompagnée de notices scientifiques.
Pontus Hulten, Natalia Dumitriesco et Alexandre Istrati, Brancusi, Éditions Flammarion. Dans la collection "Tout l’art", 160 p., 98 F.
Dans la collection "Grande Monographie", 336 p., 245 F.
Elizabeth A. Brown, Constantin Brancusi photographe, Éditions Assouline, 80 p., 99 F.
Marielle Tabart, Brancusi, l’inventeur de la sculpture moderne, collection "Découvertes", Gallimard, 73 F.
Collectif, Brancusi, collection "Découvrons l’art du XXe siècle", Éditions Cercle d’art, 64 p., 69 F.
Serge Fauchereau, Sur les pas de Brancusi, collection "Diagonales", Éditions Cercle d’art, 208 p., 129F. Sous la direction de Margit Rowell, Constantin Brancusi, Éditions Gallimard-Réunion des musées nationaux, 400 p., 390 F.
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Brancusi en demi-teinte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Brancusi en demi-teinte