Comment se créent les images qui nous entourent, que nous montrent-elles, et que nous cachent-elles ? Répondant à ces questions, le cédérom Décrypter les images offre, exemples à l’appui, une introduction à l’analyse des images. Son instigateur, Laurent Gervereau, conservateur du Musée d’histoire contemporaine et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, dont Les Images qui mentent. Histoire du visuel au XXe siècle (Seuil, 2000), nous explique l’origine de ce projet et du site Internet (www.imagesmag.net) qui l’accompagne.
À qui s’adresse Décrypter les images et quelle est la vocation de ce cédérom ?
Il s’agit d’un bilan résultant de dix années de recherches. À l’exception du domaine artistique, largement minoritaire dans le champ mondial de la production, il existe paradoxalement très peu de tentatives de décryptage des images comparées à une production, qui est, elle, monumentale. Pour l’heure, le cédérom est orienté vers un public de plus de dix ans, mais le second cédérom de notre série, consacré à la photographie, devrait inclure une version destinée aux enfants. En fait, Décrypter les images est une introduction générale qui servira de base pour travailler sur des thèmes différents. Ainsi, après la photographie, nous nous attacherons à la bande dessinée, au film ou à Internet.
Vous avez écrit de nombreux ouvrages sur le sujet, et vous dirigez la revue L’Image. Pourquoi avez-vous choisi le multimédia pour prolonger votre travail ?
Le grand défaut de l’écrit, c’est que souvent la part de l’illustration est soit trop faible (dans les essais), soit envahissante (dans les albums) ; de plus, la limite des méthodes recourant à un discours est de réduire les images à du langage. L’utilisation de la rhétorique en sémiologie ne peut pas à elle seule expliquer l’ensemble des mécanismes des images. Voilà pourquoi, que ce soit dans les colloques, comme “Peut-on apprendre à voir ?” ou dans la revue, je crois profondément au croisement des disciplines et des approches. On ne peut pas réduire les images à un langage, mais cette illusion vient du fait que le XXe siècle a vu se développer deux phénomènes majeurs qui sont la publicité et la propagande. Messages monosémiques, leur intention est de produire une interprétation immédiate. Or, si vous pensez aux œuvres d’art, nous sommes dans le phénomène inverse. Avec le multimédia, on peut combiner du son, de l’image animée, de l’image fixe et de l’écrit. Un modèle tout à fait intéressant pour notre propos et éloigné aussi du déroulement linéaire d’un film.
Le cédérom est construit en quatre grands chapitres qui sont “compiler”, “créer”, “manipuler” et “décoder”. Pouvez-vous revenir sur ces parties ?
Nous avons essayé d’établir en quoi, aujourd’hui, nous pouvons parler d’un monde des images. La fin du XXe siècle est une situation unique. Nous sommes dans la compilation, l’accumulation généralisée des images de toutes les périodes, de toutes les civilisations et sur tous les supports. Ensuite, pour “créer”, il s’agissait de décrire les images elles-mêmes, d’essayer de voir comment elles fonctionnent dans un processus spécifique. “Manipuler” montre comment aujourd’hui tout est indifférencié. La Joconde, une photo de presse, ou une statue bouddhiste se retrouvent sur les mêmes supports. De plus, certaines de ces images sont utilisées pour influencer les opinions publiques. Pour “décoder”, la première opération consiste à définir à quoi nous avons affaire, à se doter d’un certain nombre d’outils descriptifs. La seconde opération est de voir comment ces images sont issues d’une histoire. Pour éviter les contresens, il faut les contextualiser, les resituer dans une histoire souvent longue. La dernière partie sur l’analyse et sur l’interprétation montre comment il est important de différencier les appréciations individuelles des résultats d’études, mais aussi de confronter les approches. Sur le site imagesmag.net, nous essayons de faire cela avec la rubrique “Vos Yeux”, nourrie par les internautes.
Justement, quelle est la position du site imagesmag.net par rapport au cédérom ?
Formée par des chercheurs d’horizons divers, l’association “L’image”, que je préside, assure une partie théorique avec la parution d’ouvrages annuels, aujourd’hui complétés par les cédéroms destinés à un public plus large. Le site est, lui, conçu pour être en prise avec l’actualité. Il est doté d’une partie éditoriale, d’un ensemble pédagogique, d’une base de références, et d’un portail sur l’analyse des images dans le monde. Le site est aussi un endroit pour confronter les points de vue, tenter des ouvertures disciplinaires, éviter de se fermer.
La diffusion des images par le biais d’Internet a-t-elle vraiment bouleversé nos habitudes ?
Non, la multiplication massive des images a démarré bien avant. Le XIXe siècle a été l’époque d’une diffusion considérable sous forme de papier, et au XXe de grands supports ont émergé : le cinéma, la photographie de presse à partir du milieu de la Première Guerre mondiale, et puis, évidemment, la télévision dans les années 1950 et 1960. Avec Internet, toutes les images convergent vers le même support, mais, dans le même temps, ce média ne concerne qu’une minorité de la population mondiale. Cela n’empêche pas d’autres images de circuler : les images publicitaires circulent sur les objets de consommation, les images de propagande sur des affiches ou des tracts. Évidemment, sur Internet, tout commence à s’accumuler de façon indifférenciée, mais l’accumulation était déjà là. Une nouvelle production d’images ne supprime pas l’ancienne, elles s’additionnent par strates.
- Décrypter les images est en vente sur le site www.imagesmag.net au prix de 300 F (200 F pour les enseignants)
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Bienvenue dans le monde des images
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Bienvenue dans le monde des images