Ce n’est qu’en 2002, grâce à une grande rétrospective à Beaubourg, que le public français put enfin prendre la mesure de Max Beckmann (1884-1950), l’un des tout premiers peintres allemands de l’entre-deux-guerres, sinon le premier.
Lui-même se considérait l’égal de Picasso. C’était un peu exagéré mais pas totalement infondé.
Cette monographie, l’une des rares sur Beckmann, complète judicieusement le catalogue de Beaubourg. Issue d’une édition allemande, elle s’appuie sur les écrits du peintre (également disponibles en français) et sur les témoignages de ses contemporains. Elle ne fait pas l’impasse sur la personnalité rude et orgueilleuse de Beckmann. Ses proches le décrivent comme un misanthrope, sûr de lui, très soucieux de ses affaires. Dès 1925, Beckmann est un artiste reconnu qui vit confortablement de sa peinture.
L’auteur suggère à plusieurs reprises l’état dépressif de Beckmann. Il faut dire qu’il y a de quoi. Le peintre a traversé les pires moments de l’Allemagne moderne. Infirmier pendant la Première Guerre mondiale – il a 30 ans –, il subit un véritable traumatisme psychologique et quitte l’armée au bout de quelques mois. C’est à ce moment que sa peinture devient celle qu’on a pu découvrir à Beaubourg. Une peinture résolument figurative, mettant en scène dans des compositions étranges et chaotiques tout un monde interlope.
Les formes puissantes et vigoureuses sont construites à l’aide de contours noirs très appuyés. Beckmann est un peintre noir dans tous les sens du terme. Le noir structure et envahit la toile en fonction de sa situation personnelle et des événements politiques. Après le traumatisme de la guerre, c’est le chaos de la République de Weimar, suivi d’un bref intermède optimiste avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et l’exil forcé à Amsterdam de 1937 à 1947. Il finira sa vie aux États-Unis.
Nul besoin de photographies d’époque pour illustrer cette monographie : Beckmann s’est représenté à plusieurs reprises, seul ou avec ses deux femmes. Ses tableaux montrent une Allemagne dévorée par ses démons. Mais il ne faudrait pas pour autant le réduire à la Nouvelle Objectivité, à laquelle il a été peu associé. C’est une peinture largement autobiographique et iconographique, très marquée par Picasso et Rouault qui se pose en alternative à l’expressionnisme allemand d’après-guerre.
Uwe M. Schneede, Beckmann, Hazan, 304 p., 130 ill., 75 s.
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Beckmann peintre du noir
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°618 du 1 novembre 2009, avec le titre suivant : Beckmann peintre du noir