Le livre anniversaire est un exercice de style auquel toute galerie ayant atteint une certaine longévité se voit, un jour, confrontée.
Il s’agit de regarder en arrière pour raconter les débuts, mesurer le chemin parcouru et évoquer les aventures artistiques qui l’ont jalonné. Le très gros et bel ouvrage publié par la Galerie Chantal Crousel pour ses 40 ans est un modèle du genre. En un peu plus de sept cents pages, il revient sur son histoire et la positionne en acteur incontournable de la scène artistique internationale. Afin de préserver cependant un semblant de spontanéité, la publication emprunte aux codes de l’album de famille : un portfolio sur papier bible fait office de générique illustré et souriant, compilant plus d’une centaine de photos des artistes et des collaborateurs de l’enseigne. Suivent deux entretiens conduits par Philippe Vergne, le directeur de la Fondation Serralves (Porto), avec Chantal Crousel et Niklas Svennung. Le reste se feuillette comme un livre d’images, consacré à une sélection chronologique d’expositions sur quatre décennies. Deux textes denses, enfin, clôturent cette somme. Le premier est de l’historienne Patricia Falguières, tandis que le philosophe Alexandre Costanzo signe le second. La discussion-fleuve entre Philippe Vergne et Chantal Crousel retrace, quant à elle, le parcours remarquable de cette Belge polyglotte, venue vivre à Paris au début des années 1970 et qui décida d’y ouvrir une galerie. D’abord associée à Jacques Blazy, spécialiste d’art premier, puis à Ghislaine Hussenot et enfin à Ninon Robelin, avant de se lancer seule en 1980 dans une entreprise qu’elle dirige aujourd’hui avec son « fils et partenaire » Niklas Svennung. Ponctuée de rires entre parenthèses, cette conversation est menée sur un ton complice, égrenant les rencontres avec les artistes phares. De Tony Cragg et Alighiero Boetti à Mimosa Echard, la toute nouvelle recrue de l’enseigne, en passant par Cindy Sherman, Gabriel Orozco, Anri Sala ou Wolfgang Tillmans, parmi tant d’autres. Et c’est bien de la construction d’une marque qu’il s’agit : celle qu’à travers son nom Chantal Crousel transmet à son fils. Jaquette américaine au toucher velouté, couverture rigide, abondante iconographie et conception graphique luxueuse, cet opus éditorial est également un livre-objet. Édité à quelques centaines d’exemplaires, il s’adresse à un cercle essentiellement constitué de professionnels. C’est – aussi – un cadeau que la galerie se fait à elle-même. Avec un titre aux accents provocants de promesse, Jure-moi de jouer reprend un logogramme tracé dans la neige par Christian Dotremont, fondateur du mouvements CoBrA et l’un des tout premiers artistes que Chantal Crousel exposa.
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Avoir 40 ans en 2020
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Avoir 40 ans en 2020